Le 8 mai 1945 à Sétif, un événement censé célébrer la victoire des Alliés sur le nazisme a rapidement sombré dans la tragédie. Ce jour-là, ce qui aurait dû être un défilé comme les autres, s'est transformé en une manifestation pour l'indépendance de l'Algérie, brutalement réprimée par les forces françaises, aboutissant à la mort de dizaines de milliers de manifestants.
Les prémices de cette tragédie remontent à quelques jours plus tôt, le 1er mai, lorsque le Parti populaire algérien appelle à des manifestations en faveur de l'indépendance à l'occasion de la journée internationale des travailleurs. Cette mobilisation gagne en ampleur les jours suivants, le 3 mai à Annaba, puis le 4 à Guelma, dans un contexte où la nouvelle de la chute de Berlin aux mains des Alliés résonne encore.
Le 8 mai 1945, à Sétif, plusieurs milliers de manifestants algériens se rassemblent dès huit heures du matin. Mais la répression coloniale ne tarde pas à frapper. À 9h25, Saal Bouzid, symbole de cette lutte pour l'indépendance, est abattu par un policier français. Son seul crime : réclamer la liberté de son pays et la libération du leader nationaliste, Messali Hadji.
Cet acte déclenche une révolte qui s'étend rapidement, alimentée par des décennies d'oppression et de marginalisation. L'État français réplique avec une violence aveugle. Le général Duval mobilise l'aviation et la marine pour réprimer le soulèvement dans le sang. Ainsi débute l'un des chapitres les plus tragiques de l'histoire coloniale, où la brutalité de la répression française laisse des cicatrices profondes dans la mémoire collective algérienne.
Près de huit décennies plus tard, lors des commémorations de cet épisode sombre, le président Abdelmadjid Tebboune a adressé un message significatif, notamment à Paris.
Dans ses propos, le président algérien a souligné que le dossier mémoriel avec la France ne tolérerait ni concessions ni compromis. "Le dossier de la mémoire restera au cœur de nos préoccupations jusqu'à son traitement objectif, audacieux et équitable envers la vérité historique", a-t-il affirmé, soulignant l'importance de cette question sensible. Bien qu'il ait exprimé sa volonté d'avancer vers l'avenir dans un climat de confiance, Tebboune a insisté sur l'impératif de sérieux et de crédibilité dans le traitement de cette question.
Ce message, à la fois ferme et conciliant, vise à rappeler à la France les attentes de l'Algérie sur cette question mémorielle. Parmi ces exigences, la restitution des archives algériennes occupe une place centrale. Bien que certains documents aient été restitués, de nombreuses archives gouvernementales, coloniales, diplomatiques et militaires demeurent en France, réparties sur plusieurs sites. Alger revendique la totalité de ces documents, refusant toute concession sur cette question.
Un autre point de tension concerne la restitution des effets personnels de l'émir Abdelkader, une affaire complexe en attente de la loi-cadre sur les restitutions des biens culturels en France. Cette loi, initialement prévue pour le printemps, ne sera examinée par le Parlement français qu'à l'automne. De plus, elle ne devrait pas permettre la restitution d'armes, ce qui complique la question du retour des sabres de l'émir Abdelkader.
Ce message présidentiel algérien intervient dans un contexte où les autorités algériennes entendent rappeler fermement leurs exigences sur la question mémorielle. Les prochains échanges entre les deux pays, notamment la visite prévue du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à Alger entre la fin mai et le début juin, lui permettra d'en parler avec la diplomatie algérienne. En amont, les historiens français et algériens se réuniront à Alger du 20 au 24 mai pour aborder ces questions de restitution au sein de la commission mixte.