Depuis son élection à la magistrature suprême en octobre 2019, Kaïs Saïed n'a cessé de concentrer les pouvoirs entre ses mains, au mépris du peu d'équilibre démocratique pourtant durement acquis après la révolution de 2011.
Son projet de nouvelle constitution, adopté par "référendum" en juillet 2022, fut un virage antidémocratique amené en "douceur". Mais sa constitution va plus loin encore que ce que l'on reprochait au parti de Rached Ghannouchi pourtant affublé du qualificatif d'islamiste. En effet en faisant de l'islam la référence centrale de l'État, au détriment de la diversité religieuse du pays, le président Kais Saied n'a d'ailleurs pas hésité à déclarer que "la Tunisie appartient à la Oumma dont la religion est l'islam"....tout un programme.
Parallèlement le pouvoir en place mène une répression féroce contre les islamistes du parti Ennahdha, pourtant historiquement modérés. Leurs dirigeants sont emprisonnés sur la base de dossiers vides, tandis que leurs permanences sont fermées. Mais la dérive de Saïed ne s'arrête pas là. Ces derniers mois, le président a multiplié les déclarations et les actes à caractère racialiste visant en particulier les migrants subsahariens. Il a ainsi accusé ces derniers d'être à l'origine de "tous les maux" du pays, appelant à leur expulsion massive. Cette négrophobie décomplexée, dans un pays historiquement et socialement raciste, choque même en Tunisie dans cette forme.
La militante Saadia Mosbah a longtemps combattu la négrophobie en Tunisie bien avant l'ascension de Kaïs Saïed. Figure de proue de la lutte contre le racisme dans le pays, Saadia Mosbah.Durant ses plus de trente années en tant qu'hôtesse de l'air puis cheffe de cabine pour la compagnie Tunisair, elle a été régulièrement confrontée a la négrophobie des passagers et de ses collègues.Il faut dire que la negrophobie est complètement "assumée " et quasi endogène.De ce constat Saadia Mosbah en 2013, a finalement crée l'association Mnemty ("mon rêve" en référence au discours de Martin Luther King), pour lutter contre les discriminations raciales et dénoncer la faible représentation dans les institutions des Tunisiens noirs, descendants d'esclaves.
Mais le 7 mai 2024, Saadia Mosbah a été arrêtée et placée en garde à vue pour cinq jours, conformément à la loi antiterroriste, sur ordre du président Saïed qui a pris pour cible les associations de défense des droits humains. Depuis, l'association Mnemty fait l'objet d'une campagne de harcèlement et de diffamation sur les réseaux sociaux, accusée de participer à un complot visant à faciliter l'installation de migrants subsahariens en Tunisie.Marine Lepen et Eric Zemour n'ont en effet rien à envier au président tunisien.
Finalement la Tunisie semble avoir définitivement tourné le dos à la démocratie instaurée paradoxalement par les islamistes de Ennahda au profit d'un autoritarisme xénophobe.
Un triste retour en arrière qui fait regretter pour beaucoup le temps où les islamistes d'Ennahdha, malgré leurs défauts, préservaient au moins les libertés publiques. Car si la Tunisie a réussi à maintenir une stabilité relative depuis 2011, c'est bien grâce au compromis entre les différentes forces politiques, au premier rang desquelles figurait Ennahdha. Aujourd'hui, cet équilibre fragile est rompu, au profit d'un pouvoir solitaire et clivant.Une situation qui risque de perdurer non seulement par la répression de Kaïs Saïd mais mais aussi le manque de vraies personnalités politiques dans un pays où on semble avoir oublié que la principale des qualités en politique,et qui a toujours manqué à tous les politiciens depuis la révolution, le .....courage.