by Alya Gorgi

Tchad : reconduction de Mahamat Idriss Déby, au revoir Paris, bonjour Moscou?

Tchad : reconduction de Mahamat Idriss Déby, au revoir Paris, bonjour Moscou?

Mahamat Idriss Déby, président de « transition » par héritage depuis le décès de son père en 2021, a été reconduit dans ses fonctions après des élections controversées. Cette élection pourrait signifier la fin de l’influence française dans ce pays, qUi se tournerait semble-t-il vers la Russie.

 

Lorsque Mahamat Idriss Déby a hérité des rênes du Tchad en 2021 par transition après le décès de son père, la France et Emmanuel Macron avaient salué cette étonnante transmission du pouvoir en raison des liens qui unissent les deux nations, notamment sur le plan diplomatique et militaire. Il paraissait également que cette élection assurerait la stabilité du pays, véritable îlot de paix relative dans une des zones les plus instables au monde. Cette semaine, le jeune président vient d’être réélu contre son premier ministre Succès Masra, avec plus de 60% des suffrages dans une élection bien entendu contestée par son rival. Mais cette fois, l’influence hexagonale semble en perte de vitesse à Ndjamena, et pour cause : le jeune héritier se tourne de plus en plus vers la Russie.

Un air de Volga dans le désert

En janvier dernier, Mahamat Idriss Déby s’était rendu à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine et décrire la Russie comme un pays frère. En retour, le président de la Fédération Russe avait salué la « stabilité » du Tchad.

Quelques semaines plus tard, c’est au tour de Maksim Shugaley, le directeur de la Fondation pour la Protection des Valeurs Nationales, une organisation liée directement au groupe Wagner, de se rendre à Ndjamena. Cette visite n’était pas à but touristique : l’homme d’influence posait le 6 mai sur sa chaîne Telegram avec une casquette à l’effigie de Mahamat Idriss Déby, saluant la victoire du chef d’Etat.

Dans une autre communication, il déclarait que le Tchad « ne tirait pas avantage de sa relation avec la France ». Les choses sont claires. Lorsque Shugaley, passé par le Mali, la Centrafrique ou la Libye (où il a séjourné en prison pour ingérence) fait ce genre de déclarations, il ne s’agit pas de paroles en l’air, mais d’un avertissement au monde. La Russie est bel est bien de supplanter la France et de devenir l’allié principal du président Tchadien, qui par là-même, trahit une partie des engagements les plus anciens de son pays.

La Seine arrosera-t-elle encore le Sahel ?

Pourtant, entre Ndjamena et Paris, les liens sont durables et solides. Depuis 2020, les dirigeants des deux pays se sont rencontrés à dix reprises. Le partenariat militaire est une réussite sur la longueur, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Les EFT (Elements Français au Tchad) ont conduit dès 1986 l’opération Epervier après l’intrusion Libyenne, puis l’opération Barkhane de 2014 à 2022 contre les groupes djihadistes qui faisaient régner la terreur au Sahel. Toutes ces opérations se sont menées en coopération étroite avec l’armée Tchadienne, réputée pour être l’une des plus efficaces et intrépides de tout le continent africain.

La France reste actuellement au centre du jeu opérationnel dans cette région sous éternelle tension, avec un Sahel encore soumis aux incursions islamistes. Mais au vu des événements, on comprend que dans la zone, les Russes sont en position offensive.

Et ils ne sont pas les seuls : les pays du golfe lorgnent également sur tous les territoires dont les sous-sols ne sont pas dénués d’intérêt, et où la main d’œuvre est l’une des plus rentables au monde. Quelle sera l’issue diplomatique de ce processus ? Si le Président Déby semble avoir choisi son camp, la France ne renoncera pas à un partenariat historique avec le pays le plus stable du centre de l’Afrique. Et si cette guerre d’influence finissait par faire sauter le verrou tchadien, le continent entier pourrait bien en pâtir.