Pour la première fois, il est annoncé à un taux historiquement bas, qui va l’obliger à se prêter au jeu des coalitions, ce qui pourrait bien lui coûter le pouvoir. Comment ce parti historique et incontesté en est-il arrivé là ?
L’African National Congress (ANC), mouvement anti apartheid créé il y a soixante ans, est aux manettes de l’Afrique du Sud depuis la fin de la ségrégation en 1994.Une dégringolade historique, et pas si inattendue. Depuis la fin de l'apartheid, l’ANC a été la force politique dominante en Afrique du Sud, remportant chaque élection avec une majorité absolue plus que confortable.
Mais en 2024, à quelques jours des élections générales, rien ne va plus. Les résultats du dernier sondage d'OpinionWay montrent une chute vertigineuse des intentions de vote, l'ANC ne recueillant que 39% des suffrages, contre 57% en 2019. Cette perte de popularité est en grande partie attribuable à des erreurs stratégiques et des scandales répétés.
Scandales de corruption, échec des réforme économiques…
L'un des facteurs clés de cette chute est la corruption endémique au sein du parti. De nombreux scandales ont terni l’image du parti, avec des allégations de détournement de fonds publics et de capture de l'État par la famille Gupta, qui ont contraint à la démission le président Zuma en 2018. Malgré l’accalmie, l'ombre de ces scandales continue de ternir l'image de l'ANC et de saper la confiance du peuple Sud-Africain. Mais la corruption n’explique pas tout.
Sous la présidence de Cyril Ramaphosa, l'ANC a également échoué à redresser l'économie. Le chômage reste l’un des plus élevés au monde (33%), la croissance économique est stagnante, et les inégalités sociales persistent. Les promesses de Ramaphosa de combattre la corruption et de stimuler l'économie n'ont pas produit les résultats escomptés, ce qui a entraîné une désillusion croissante parmi les électeurs traditionnels de l'ANC.
La Scission, la Montée du MK et le jeu des coalitions
La création du MK (uMkhonto we Sizwe) et son incarnation par Jacob Zuma ont provoqué une scission significative au sein de l'ANC. Zuma, 81 ans, avec son nouveau parti aux allants populistes et révolutionnaires a réussi à capter une grande partie des électeurs déçus par l'ANC. Le MK, crédité de 15% des intentions de vote, se positionne désormais comme un acteur clé capable de former des alliances avec d'autres partis, ce qui pourrait redéfinir l'équilibre politique du pays.
Pour la première fois, l'ANC pourrait être contraint de former une coalition pour gouverner. Les rivaux traditionnels comme la Democratic Alliance (DA) et l’Economic Freedom Fighters (EFF) restent dans la course avec respectivement 21% et 13% des intentions de vote. Dans ce contexte morcelé, l'ANC devra naviguer habilement pour forger des alliances viables, une situation totalement nouvelle pour le parti.
Le Phénomène Zuma
Jacob Zuma, à 82 ans, reste une figure charismatique et controversée. Son parcours, marqué par une lutte contre l'apartheid, des années en prison, puis à l'exil, et une présidence entachée de scandales, le place au centre de la scène politique. En capitalisant sur son héritage et sa base de soutien fidèle, notamment parmi les Zoulous et les jeunes, Zuma avec le MK pourrait jouer un rôle déterminant dans les prochaines élections.
L'Afrique du Sud est à un tournant historique. Les élections du 29 mai pourraient marquer la fin de l'hégémonie de l'ANC et le début d'une nouvelle ère de coalitions politiques. Alors que le parti tente de se réinventer face aux défis internes et externes, la figure de Jacob Zuma et son nouveau parti MK ajoutent une dose supplémentaire de complexité et d'incertitude à l'avenir politique du pays.