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Un premier vaccin pour relancer la lutte contre le paludisme

Il n’est pas parfait, mais un premier vaccin contre le paludisme vient d’être recommandé par l’OMS. RTS,S est un espoir. De quoi relancer la lutte contre un parasite dur à combattre et à traiter.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé une mesure historique : elle a recommandé l’utilisation à grande échelle du premier vaccin contre le paludisme (ou malaria), RTS,S. Cette recommandation se fonde sur les résultats d’un programme pilote en cours au Malawi, au Ghana et au Kenya. Le paludisme est un énorme défi sanitaire mondial, environ 409 000 personnes en sont mortes rien qu’en 2019. La région africaine de l’OMS supporte une part importante de la charge du paludisme – avec 94 % de tous les cas et décès dus au paludisme. Les enfants de moins de cinq ans sont les plus vulnérables. Ina Skosana a demandé à l’entomologiste médical Eunice Anyango Owino d’expliquer cette évolution et sa signification.


Il a fallu 30 ans pour créer ce vaccin : pourquoi ?

La raison principale est que les parasites du paludisme, du genre Plasmodium (falciparum, etc.), a un développement très complexe. Il passe en effet par différents stades, certains apparaissant chez le moustique (qui le transmet) et d’autres chez l’homme. Les scientifiques ont donc dû adopter diverses approches.

Chez l’homme, il y a deux phases. Ce sont les suivants :

Un vaccin efficace contre le premier stade (stade pré-érythrocytaire) serait capable de susciter une réponse immunitaire empêchant l’infection des cellules hépatiques ou entraînerait la destruction des cellules hépatiques infectées. Le vaccin RTS,S, qui cible le parasite P. falciparum, responsable des formes les plus graves, est de ce type.

Un vaccin efficace pour le deuxième stade (stade sanguin) aurait, lui, trois modes d’action possible : susciter des réponses immunitaires empêchant l’infection des globules rouges ; diminuer le nombre de parasites dans le sang ; réduire la gravité de la maladie en permettant à l’organisme de développer une immunité naturelle avec un faible risque de tomber malade.

Une dernière option consisterait à bloquer la transmission : les personnes vaccinées généreraient des anticorps qui seraient capables de bloquer la maturation des parasites chez les moustiques porteurs de la maladie qui viendraient les piquer pour se nourrir.

Un autre facteur qui a contribué à ce retard est que les scientifiques travaillant sur les vaccins possibles contre le paludisme ont longtemps eu du mal à comprendre les réponses immunitaires spécifiques associées à la protection contre le parasite.

Cela est en partie dû au fait que les parasites responsables du paludisme – Plasmodium falciparum pour le plus connu – affichent une telle variété d’éléments capables de provoquer une réaction immunitaire à leur surface (antigènes) que cela les aide à échapper nos défenses et rend les vaccins basés sur quelques antigènes spécifiques moins efficaces.

Que sait-on de ce vaccin ?

Le vaccin RTS,S (nom commercial Mosquirx) est administré en quatre doses aux enfants âgés de 5 à 17 mois ; les trois premières doses sont administrées tous les mois, la quatrième, une dose de rappel, est administrée entre 15 et 18 mois.

L’efficacité est d’environ 40 % contre le développement du paludisme et de 30 % contre les formes sévères.

Chaque maladie – et vaccin – possède un mode d’action qui lui est spécifique. L’OMS a fixé un niveau d’efficacité à atteindre de 50 % et plus pour la plupart des vaccins, et les plus efficaces dépassent un niveau de protection de 75 % ; les vaccins contre le Covid-19 basés sur la technologie de l’ARN messager de Pfizer et Moderna offrent un niveau de protection de 90 %. (Il s’agit donc d’un des vaccins recommandés par l’OMS à l’efficacité la plus faible… Mais du fait de la difficulté de développer des traitements (et des résistances qui apparaissent), il a un intérêt fort pour les pays les plus touchés par le paludisme. ndlr)

Quelles sont les prochaines étapes ?

Tout d’abord, l’OMS et les fabricants du vaccin, GlaxoSmithKline, vont inciter les pays, en particulier ceux où le paludisme est très répandu, à adopter le vaccin dans le cadre de leurs stratégies nationales de lutte contre le paludisme.

Ils demanderont également à ces pays de mettre des fonds de côté.

Ils participeront également à la collecte de fonds auprès de la communauté mondiale de la santé ou travailleront avec des partenaires, pour un déploiement plus large du vaccin.

Il devrait y avoir un accès équitable et à long terme au vaccin. Le vaccin doit également être rentable.

L’espoir est aussi que cette annonce de l’OMS relance la course à la recherche de vaccins encore plus efficaces contre le paludisme. Les rapports actuels de l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford suggèrent qu’un vaccin contre le paludisme atteignant l’objectif de 75 % fixé par l’OMS est à l’essai au Burkina Faso.

Quel intérêt dans la lutte contre le paludisme en Afrique ?

Ce vaccin est un outil supplémentaire dans la boite à outils de la lutte et de contrôle du paludisme.

Certes, il ne fournit pas une protection complète. Mais il sera introduit dans un ensemble d’autres outils visant à réduire les infections et à diminuer le nombre de décès. Les autres mesures comprennent notamment les moustiquaires et les pulvérisations d’insecticides à l’intérieur.

Il possède également un grand potentiel dans les zones très touchées en Afrique sub-saharienne, notamment s’il est utilisé en combinaison avec des méthodes de prévention du paludisme préexistantes. Par exemple, une étude de la London School of Tropical Medicine a fait état d’une réduction de 70 % des hospitalisations et des décès chez les enfants ayant reçu le vaccin RTS,S (Mosquirx) et des médicaments antipaludiques.

La lutte contre le paludisme a récemment stagné dans certains pays africains, et des pays comme le Soudan et l’Érythrée ont même connu une recrudescence significative.

Ce vaccin, même imparfait, va donner un nouvel élan à ce combat sanitaire majeur. Et il offre la promesse de le remettre sur de bons rails.


Eunice Anyango Owino, Entomologiste médicale à la School of Biological Sciences, University of Nairobi

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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