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Tchad : la méconnaissance des informations scientifiques freine l’accès à l’eau

Les défis liés à l’accès à l’eau sont aggravés par les changements climatiques qui ont une incidence sur les ressources en eau dans la région sahélienne.

L’accès à une eau de qualité est une préoccupation dans beaucoup de pays d’Afrique, dont le Tchad. Le Tchad fait partie des pays africains où l’inadéquation des services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène exposent les enfants à des risques extrêmement élevés.

Le chercheur Abdallah Mahamat Nour explique à Aliou Niane de The Conversation Afrique les raisons de la faiblesse du taux d’accès à l’eau dans ce pays sahélien et ce qui doit être fait pour améliorer la qualité et la disponibilité de cette ressource pour les populations.

L’accès à l’eau – pour la boisson et les usages domestiques – est un grand défi au Tchad. Quelle est la gravité de la situation ?

La répartition de cet accès est très inégale sur le territoire, certaines zones étant plus alarmantes que d’autres en raison de facteurs géologiques, climatiques et autres.

Dans les zones de socle (dans ces zones, les aquifères sont discontinus et les eaux sont localisées dans les structures géologiques) notamment, où les forages ont un taux de réussite relativement faible, l’accès à l’eau est particulièrement difficile. Les points d’eau existant en milieu rural réalisés par l’Etat tchadien ou par les partenaires sont souvent partagés entre plusieurs villages, obligeant les habitants à parcourir de longues distances et à consacrer des heures de marche pour y accéder.

Dans certaines régions comme la province du lac Tchad, la population se sert de l’eau prélevée directement des puits à ciel ouvert ou dans les mares, sans aucun traitement. Dans ces zones, les femmes et les filles sont souvent chargées de la collecte de l’eau pour les usages domestiques. Ce qui les oblige à parcourir de longues distances pour trouver de l’eau, occasionnant ainsi des problèmes de santé et de sécurité.

La qualité de l’eau est également problématique dans les grandes villes comme par exemple Moundou, ou dans certains quartiers de la capitale N’Djamena et de ses périphéries qui sont alimentés par des forages individuels qui ne sont pas contrôlés et peuvent être situés à proximité de latrines ou de puisards, ce qui augmente les risques de contamination de l’eau et de propagation de maladies hydriques.

Enfin, les défis liés à l’accès à l’eau sont aggravés par les changements climatiques qui ont une incidence sur les ressources en eau dans la région sahélienne. Les périodes de sécheresse sont de plus en plus fréquentes et les ressources en eau de plus en plus limitées. Cela a un impact direct sur la sécurité alimentaire et la santé des populations locales.

En somme, la situation de l’accès à l’eau au Tchad est très préoccupante et nécessite une attention urgente pour améliorer la qualité et la disponibilité de cette ressource vitale pour les populations locales.

Que fait le gouvernement à ce sujet ? Cela fonctionne-t-il ?

Le gouvernement tchadien a élaboré plusieurs plans stratégiques et documents d’orientation, particulièrement le Schéma directeur de l’eau et d’assainissement en 2003, le Code de l’eau et la Politique et stratégie nationale d’assainissement en 2013, pour améliorer l’accès à l’eau dans le pays. Cependant, malgré les efforts déployés, les résultats sont mitigés. La mise en œuvre des programmes est souvent entravée par des contraintes techniques – manque des études détaillées, des prestataires non qualifiés – et financières, ainsi que par une coordination insuffisante entre les différents acteurs impliqués dans le secteur de l’eau. De plus, la gestion des ressources en eau est complexe et nécessite une connaissance scientifique approfondie, ce qui peut également constituer un obstacle à la mise en place de politiques efficaces.

Quelles sont les solutions envisageables pour répondre aux besoins en eau du Tchad ?

Le Tchad dispose de ressources en eau considérables tant de surface que souterraines, mais celles-ci sont limitées par le manque de connaissances sur ces ressources. Les échecs constatés dans la plupart des programmes visant à améliorer l’accès à l’eau sont en partie dûs à l’absence d’études scientifiques récentes et à une sous-exploitation des connaissances disponibles. La principale raison est que dans la zone d’étude, il n’y a pas des études récentes à cause de moyens limités et de l’étendue de la zone.

Ainsi, avant toute mise en œuvre d’actions dans le domaine de l’eau, il est primordial de consulter les connaissances scientifiques disponibles pour réduire les risques d’échec.

Les études que nous menons actuellement dans le cadre du programme pilote African Research Initiative for Scientific Excellence (ARISE) sur les hydrosystèmes du bassin du lac Tchad permettent de mieux comprendre la vulnérabilité de la ressource en eau dans une région où l’accès, la potabilité et la durabilité de l’eau sont cruciales.

Les résultats de ces études non encore disponibles pourront être utilisés pour développer un nouveau cadre conceptuel pour l’interprétation des données hydrogéologiques dans la région du bassin du lac Tchad et dans l’ensemble de la région du Sahel. Ils pourraient également aider les gestionnaires des ressources en eau à prendre en compte les données hydrologiques et hydrogéologiques dans le processus d’évaluation des ressources en eau.

En améliorant les informations hydrologiques disponibles dans la région, on peut garantir une meilleure connaissance de la situation réelle et de la dynamique des processus hydrogéologiques. Cela peut fournir des informations et des caractéristiques importantes sur la capacité de renouvellement des processus hydrogéologiques de manière efficace, rapide et économique. Ce qui est essentiel pour les gestionnaires des ressources en eaux souterraines pour assurer la durabilité à long terme de cette ressource socio-économique très importante pour l’ensemble de la région d’Afrique centrale.

Abdallah Mahamat Nour, Enseignant-chercheur, Géo-scientiste et hydro(géo)logue, Université de N’Djamena (Tchad)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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