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Somalie : les Américains ont-ils abandonné Farmaajo ?

Roble Farmaajo

Le Premier ministre Hussein Roble et le président Abdullahi Farmaajo.

En Somalie, des soldats soutenant le Premier ministre Mohammed Hussein Roble encerclent le palais présidentiel depuis lundi. Une démonstration de force suite à une nouvelle suspension de Roble par le président Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé Farmaajo. Explications.

La crise politique en Somalie ne cesse de se dégrader depuis la fin du mandat du président Mohamed Farmaajo en février dernier. Après plusieurs reports des élections législatives et présidentielle, et la prolongation — contestée — de son mandat ayant provoqué des violences dans la capitale Mogadiscio, le président somalien avait finalement redonné à son Premier ministre Mohammed Hussein Roble, sa confiance, début avril.

Le chef du gouvernement avait notamment pour mission de préparer les élections. Mais alors que Roble commençait à montrer, à son tour, des ambitions pour prendre la succession de Farmaajo, ce dernier l’a suspendu le 16 septembre dernier. Ce qui provoqua une nouvelle fois des affrontements sanglants dans la capitale, avant que Roble ne soit réintégré. Dimanche dernier, Villa Somalia a cependant décidé de suspendre, à nouveau, le Premier ministre. Un véritable soap opera.

Alors que l’on pensait la communauté internationale, omniprésente dans le pays, unie dans le dossier somalien, la crise politique a rapidement évolué en crise diplomatique. D’un côté, l’Union européenne ne cache pas son soutien au Premier ministre Roble. De l’autre, les Etats-Unis et les pays du Golfe arabe semblaient soutenir leur allié de toujours, le président. Jusqu’à ce lundi.

Lire : En Somalie, les élections sont-elles jouées d’avance ?

En effet, dans une déclaration étonnante, l’ambassade américaine en Somalie, suivie de près par le département d’Etat des Etats-Unis, a ouvertement condamné les actions du président. L’ambassade américaine exige, par ailleurs que « toutes les parties s’abstiennent d’actions et de déclarations provocatrices ».

Etrangement, malgré l’impasse qui dure maintenant depuis trois jours aux alentours de Villa Somalia, aucune balle n’a été tirée. Et il semblerait que la perte du soutien américain ait pris de court Mohamed Abdullahi Farmaajo. Mais il ne s’agit pas de l’unique soutien que le président somalien ait perdu en ce début de semaine.

Fahad Yasin abandonne Farmaajo

Depuis la première suspension de Hussein Roble, un personnage intrigant a été accusé par l’opposition somalienne d’influencer le président Farmaajo. L’ancien directeur des services de renseignements (NISA), et actuel conseiller en sécurité nationale de Farmaajo, Fahad Yasin.

La décision de suspendre Roble, en septembre, avait été imputée à certaines initiatives du Premier ministre, comme le limogeage de Fahad Yasin. Ce dernier est souvent désigné comme « le vice-président ». Il est aussi un proche du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, et a été, dans les années 1990, un combattant au sein du groupe terroriste Al-Ittihad al-Islami – filiale d’Al-Qaïda –, dont son beau-père était membre fondateur.

Durant les évènements de septembre, c’est l’interdiction de voyager de Fahad Yasin, par le Djibouti voisin, qui avait envenimé la relation entre Roble et Farmaajo. Finalement, Djibouti a lâché du lest, et les deux hommes ont finalement décidé d’enterrer l’histoire qui avait positionné Yasin dans le collimateur de Roble : la mort d’un agent des services de renseignements, Ikran Tahilil, présumée torturée et assassinée par des proches du président, dont Fahad Yasin.

Le même Fahad Yasin, pour qui Farmaajo avait risqué une crise politique et diplomatique, a quitté la Somalie. Selon les médias somaliens, Fahad Yasin aurait pris un vol en direction du Qatar, dès que les Etats-Unis ont rendu publique leur abandon du président somalien.

Quel futur pour le président somalien ?

En pleine impasse, donc, la situation à Mogadiscio est sujette aux pourparlers conduits par le vice-Premier ministre Mahdi Mohamed Guled. Force est de constater, toutefois, que Farmaajo a perdu ses derniers soutiens diplomatiques. Seul encore en lice, le chef de la division africaine de l’armée américaine, AFRICOM, le général Stephen Townsend.

Lors de ses trois derniers voyages en Afrique, Townsend a rencontré Farmaajo à trois occasions. Les deux hommes sont très proches, et le général américain n’est pas vraiment connu pour son obéissance à l’Etat américain. En l’occurrence, il avait pris unilatéralement la décision de reprendre les bombardements en Somalie, malgré leur interdiction par l’ONU et le Congrès américain. Townsend est aussi apparu, en août dernier, aux côtés de la Brigade Danab, la crème des forces spéciales de l’armée somalienne, dans l’ouest du pays envahi par les terroristes Shebab.

Concrètement, le général américain est très influent en Somalie. Il serait aussi intervenu, en septembre, pour la libération de Fahad Yasin, se déplaçant personnellement à Djibouti. Mais avec Yasin qui a visiblement abandonné Farmaajo, tout comme la diplomatie américaine, quel futur est envisagé pour le président somalien ?

Pour rappel, les Etats-Unis sont d’ores et déjà décisionnaires du déroulement des élections somaliennes, ayant les uniques observateurs internationaux accrédités par les autorités électorales. Les Américains seraient-ils en train de pousser Farmaajo vers la porte de sortie ? Et accepteront-ils Hussein Roble, qui n’a pas les soutiens arabes de Farmaajo, comme chef d’Etat du pays ?

 

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