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Somalie : le Somaliland et le Pount éloignés du conflit

Alors que la Somalie connait une guerre clanique, une crise politique, l’ingérence éthiopienne et l’entrisme occidental, les deux Etats indépendants du Puntland et Somaliland préparent leurs élections en paix.

Trois semaines nous séparent du conflit qui a opposé l’armée somalienne à ses insurgés. Depuis, le président somalien Abdullahi Mohamed a cédé le pouvoir à son Premier ministre. Mohamed Hussein Roble a annoncé que les élections prendraient des mois à la préparation. En marge de la crise politique qui secoue la Somalie, la moitié de son territoire organise ses élections. Et l’Etat du Somaliland fête aujourd’hui ses 30 ans d’indépendance.

Le Nord somalien a connu la guerre entre ses deux Etats, le Puntland et le Somaliland. Après l’accord de 2017, les deux Etats vivent en paix. Le Puntland, encore dépendant de la Somalie, tiendra ses élections régionales avant les autres régions du pays, et avant la fin de 2021. Le Somaliland, qui fête aujourd’hui son indépendance, organisera le scrutin des élections législatives le 31 mai.

Les deux régions sont devenues éloignées du contexte national. Tant et si bien que la majorité des habitants du Centre et du Sud somaliens deviennent progressivement favorables à leur indépendance. Le Pount et le Somaliland ont aussi connu un boom démographique après les affrontements dans le reste de la Somalie. Certains civils mogadisciens ont traversé le pays pour rejoindre le Pount. D’autres ont voyagé à travers le désert éthiopien afin de rallier le Somaliland.

Deux Etats divisés mais unis

Malgré l’hostilité qui oppose les deux régions, dont une revendique l’union avec la Somalie et l’autre son indépendance, une chose les unit. Il n’y a pas de guerre civile à l’intérieur de ces Etats. Au Somaliland comme au Pount, les infrastructures, l’agriculture, l’éducation et l’industrie évoluent dans un blackout médiatique total. Aujourd’hui, si l’on recherche des informations sur la Somalie, on serait soumis à une multitude de mauvaises nouvelles. Elles n’en sont pas moins vraies, mais plus de la moitié des Somaliens n’ont pas connu la guerre depuis des années. Le Nord du pays est à l’abri des conflits ethniques, du terrorisme, et dans une certaine mesure, de la misère.

Néanmoins, la plupart des agences de presse assimilent la Somalie entière à un Etat sécessioniste et belliqueux. Les Etats occidentaux conservent des intérêts économiques dans le Sud somalien. Les élites de Mogadiscio ont des relations avec les puissances mondiales. L’Egypte et certains pays arabes soutiennent l’unité somalienne afin de garder l’Ethiopie « sous contrôle », bien que la réalité soit inversée. Les Etats-Unis et l’Europe soutiennent des chefs politiques différents afin de perpétuer la guerre au Sud. Et la communauté internationale, en son ensemble, a peur d’un scénario érythréen ou sud-soudanais en Somalie.

Toutefois, les populations somaliennes voient dans le Somaliland et le Puntland deux Etats exemplaires. Si la situation était meilleure de l’autre côté du golfe d’Aden, au Kenya ou encore en Ethiopie, l’exode de Mogadiscio qui a commencé depuis quelques semaines aurait eu une destination diverse.

L’Etat somalien à côté de la plaque

Pourtant, la classe politique nationale somalienne ne contient que peu de représentants des deux Etats. Il y’a plus de ministres somaliens d’origine américaine que de ressortissants du Pount et du Somaliland qui représentent l’Etat national. C’est comme si la ségrégation contre les citoyens des Etats indépendants avait eu un effet inverse. Alors que la Somalie sombre dans les débats sur quelle ethnie devrait être représentée au parlement, trois nouveaux hôpitaux ont été construits par les Etats fédéraux au Nord depuis décembre.

Puis, même au niveau international, les institutions commencent à remarquer cette mouvance. Des Etats qui n’ont pas de représentation à Mogadiscio investissent au Somaliland. La Russie, par exemple, dispose d’une ambassade à Djibouti qui la représente en Somalie. Pourtant, alors que des milliers de russes vivent au Somaliland, leur ministère des Affaires Etrangères leur déconseille d’aller plus loin en Somalie.

Le Puntland commence aussi à reconsidérer sa position vis-à-vis du gouvernement fédéral. Depuis février, les autorités régionales ont boycotté toutes les réunions organisées par Mohamed Abdullahi Farmaajo. Le ministre de la Communication du Pount, Ali Hirsi, avait annoncé que l’Etat ne participera pas aux pourparlers organisés par le Premier ministre somalien Roble. Le puntland commence donc à rejoindre le Somaliland sur ce point. En raison d’interventions européennes au Sud du pays, les deux Etats s’éloignent de plus en plus du pouvoir central. Selon certains spécialistes, si le prochain chef de Mogadiscio, qui devrait être élu début 2022, sera contre l’indépendance des Etats du Nord, une guerre pourrait s’en suivre.

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