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Qu’est-ce qui empêche le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ?

Alors que le ministre ivoirien de la Réconciliation nationale compte rencontrer Laurent Gbagbo à Bruxelles pour négocier son possible retour, le dossier semble au point mort depuis plusieurs mois.

Le retour de Laurent Gbagbo dans son pays ressemble à s’y méprendre aux telenovelas, ces feuilletons qui battent des records d’audience en Côte d’Ivoire. Tous les ingrédients de ces séries sont en tout cas réunis : suspense, rebondissements et trahisons.

Tout débute en mai 2020. Alors que la Cour pénale internationale (CPI) l’a acquitté après des accusations de crimes contre l’humanité, Laurent Gbagbo, encore sous le coup d’un procès en appel dont la demande a été formulée par la procureure de la CPI, est autorisé à quitter la Belgique sous conditions.

Assigné à résidence à Bruxelles depuis son acquittement un an et demi plus tôt, l’ex-président ivoirien rêve alors de revenir à Abidjan. Un potentiel retour qui divise, en Côte d’Ivoire. En pleine campagne présidentielle, Alassane Ouattara travaille en coulisse pour retarder au maximum l’arrivée de Gbagbo. Ce dernier, qui a effectué une demande de passeport, voit son dossier traîner. Officiellement pour raisons administratives. Mais le clan Gbagbo n’est pas dupe : Ouattara est à la manœuvre.

Alassane Ouattara ne compte pas amnistier Laurent Gbagbo

A quelques jours du scrutin présidentiel, en octobre 2020, Alassane Ouattara s’exprime alors sur le sujet. Le passeport de Laurent Gbagbo, assure le président sortant, « est en cours de délivrance. (…) Il est temps qu’il rentre en Côte d’Ivoire ». Le chef de l’Etat exhorte alors son adversaire à la présidentielle de 2010 à devenir « un sage ». « Je lui demande seulement de vivre une vie normale », affirme alors, au Monde, Alassane Ouattara.

C’est que le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire fait peur au pouvoir en place, qui sait que, dès qu’il posera le pied sur le sol abidjanais, l’ancien président sera accueilli en héros. En septembre, le Conseil constitutionnel avait invalidé la candidature de Laurent Gbagbo, déposée par ses proches, à la présidentielle. Condamné à 20 ans d’emprisonnement, l’ex-président ne peut revenir dans son pays sans risquer de passer par la case prison. « Je ne compte pas l’amnistier mais je compte prendre une décision qui facilite son retour », prévenait alors Ouattara en octobre dernier. Une façon de retarder le retour de Gbagbo ?

Gbagbo, toujours « résolument dans l’opposition »

Des sondages, réalisés pendant la campagne présidentielle, montraient que Laurent Gbagba avait de grandes chances, s’il se présentait, d’être élu. Une popularité qui dérange. Mais le vote passé et Ouattara réélu, qu’est-ce qui bloque dans le dossier de retour de Gbagbo ? Alassane Ouattara a-t-il peur que l’ancien président fasse campagne contre lui ? Dans une interview inédite depuis son arrestation, Laurent Gbagbo rappelait qu’il était « résolument dans l’opposition ». De quoi faire trembler le pouvoir, bien que l’ex-chef de l’Etat ait promis de « ne pas provoquer des palabres, des tensions, des antagonismes ».

Il faudra pourtant que le chef de l’Etat ivoirien se fasse à l’idée d’un retour prochain de Laurent Gbagbo, d’autant que ce dernier a obtenu, en décembre dernier, son passeport. Un mois plus tôt, Hamed Bakayoko, le Premier ministre d’Alassane Ouattara, s’était entretenu avec Laurent Gbagbo qui lui avait demandé d’« apaiser la situation en favorisant le dialogue plutôt que la répression ».

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Alassane Ouattara, fraîchement réélu président, a mené une campagne d’arrestations d’opposants, parmi lesquels le candidat du FPI Pascal Affi N’Guessan. Laurent Gbagbo, lui, est toujours à Bruxelles en attente d’un signe du pouvoir ivoirien.

Le FPI de Gbagbo commence à trouver le temps long

Ce signe, il pourrait bien venir du tout nouveau ministère de la Réconciliation nationale. Kouadio Konan Bertin vient en effet d’annoncer qu’il se rendrait prochainement en Belgique pour y rencontrer l’ex-président. Un voyage dont les contours ne sont pas encore clairs. Le ministre veut d’abord recueillir « l’avis » de Laurent Gbagbo sur la situation actuelle en Côte d’Ivoire. Il pourrait également fixer les « conditions » de son retour à Abidjan.

Mais d’ores et déjà, Kouadio Konan Bertin semble jouer la montre, évoquant les difficultés de voyager dues à la pandémie de Covid-19. Du côté du FPI, qui fait campagne pour les élections législatives, on commence à s’impatienter : « Alassane Ouattara fait tout pour gagner du temps. Au début, mon père devait rentrer après la présidentielle. Maintenant, c’est après les législatives. Quel sera le prochain prétexte ? », demande Michel Gbagbo, fils de l’ancien président de la République.

Un retard qui ne doit rien au hasard : le retour de Gbagbo est un casse-tête pour Alassane Ouattara. Kouadio Konan Bertin proposera certainement un deal au rival du président ivoirien. Mais qui connaît Laurent Gbagbo sait que l’homme n’est pas prêt à toutes les concessions pour rentrer chez lui. Un caillou supplémentaire dans la chaussure d’un Alassane Ouattara qui débute bien mal son nouveau mandat…

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