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Pourquoi le déploiement de Wagner au Mali dérange l’Occident

Mali Wagner

Quinze pays occidentaux ont signé un communiqué, ce jeudi, condamnant fermement le déploiement des troupes du groupe paramilitaire Wagner au Mali. Parmi les signataires, le Royaume-Uni, le Canada, la France et douze autres pays européens.

Une déclaration conjointe de quinze Etats occidentaux, publiée ce jeudi, dénonce le déploiement des soldats Wagner au Mali. « Nous regrettons profondément le choix des autorités maliennes de transition d’utiliser des fonds publics déjà rares pour payer des mercenaires étrangers au lieu de soutenir les forces armées maliennes et les services publics au profit du peuple malien », peut-on lire dans ce communiqué, pour le moins hostile.

Et le communiqué occidental d’affirmer, entre les lignes, ce qui dérange vraiment : « Nous sommes conscients de l’implication du gouvernement de la Fédération de Russie dans le soutien matériel au déploiement du Groupe Wagner au Mali et appelons la Russie à revenir à un comportement responsable et constructif dans la région ».

Un document qui ressemble à un acte hostile vis-à-vis du Mali, mais également de la Russie. Cette déclaration est également une manière, pour les pays de la force opérationnelle Takuba, qui doit reprendre le dispositif français de Barkhane au Mali sur le moyen terme, de nier toute responsabilité dans la détérioration de la relation entre le Mali et l’Occident. Enfin, le document permet également de contester l’inefficacité française dans la lutte antiterroriste au Mali.

Grands Absents parmi les signataires de cette déclaration incendiaire, les Etats-Unis, premier armurier de l’OTAN — à travers sa filiale logistique, l’agence NSPA. Pourtant, les Américains seraient les premiers perdants si l’opération Takuba était déprogrammée. Le secrétaire d’Etat Antony Blinken avait cependant, la semaine dernière, exhorté le Mali à « ne pas accepter les mercenaires de Wagner ».

La Russie fragilise le monopole minier

Il faudrait néanmoins rappeler que la signature, en juin dernier, du contrat d’armement entre les généraux français et la NSPA, n’engageait en rien les Etats-Unis, qui ne conditionnent pas, finalement, leurs services à un déploiement militaire physique.

C’est donc surtout l’éventuelle implication directe de la Russie au Mali qui fait peur aux pays signataires du communiqué de ce jeudi. France, Canada, Royaume Uni, Allemagne, Belgique, République Tchèque, Danemark, Estonie, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Roumanie et Suède… tous craignent d’être dépassés par l’arrivée de Wagner, surtout si le groupe paramilitaire est soutenu par l’Etat Russe.

Selon Africa Intelligence, un Tupolev aurait transporté du personnel militaire de Benghazi en Libye à Bamako au Mali, le 19 décembre dernier. Un vol civil qui aurait pourtant atterri sur la partie militaire de l’aéroport Modibo Keita. Au moins 500 paramilitaires russes de Wagner seront déployés dans une dizaine de localités maliennes dès le début de l’année, dont au moins trois localités comprenant des sites miniers d’or et de magnésium.

Du côté du Mali, donc, qui n’a d’ailleurs pas réagi aux déclarations occidentales, les soldats de Wagner seront destinés à protéger les sites miniers. Les pays contribuant à Takuba cherchaient-ils donc, simplement, un monopole sur les exploitations minières ?

Vers qui le Mali devait-il se tourner ?

Le gouvernement russe nie tout lien avec Wagner, mais le groupe aurait des liens avec Yevgueny Prigozhin, un homme d’affaires proche du président russe Vladimir Poutine. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que le Mali avait approché des entreprises privées russes pour renforcer la sécurité dans le pays, mais a ajouté que le Kremlin n’était pas impliqué.

Cependant, que la Russie soit impliquée ou pas dans l’activité de Wagner en Afrique ou ailleurs ne semble pas être le problème principal pour le pouvoir à Bamako. Pour le Premier ministre Choguel Maïga, c’est « l’abandon en plein vol » de la France au Mali qui dérange.

Le retrait de Barkhane, accompagné d’une certaine « mise aux enchères » de la présence militaire étrangère au Mali, sans consulter Bamako, ainsi que les menaces françaises répétées envers l’Etat malien et le lobbying pour l’embargo économique que subit le pays actuellement sont autant d’éléments qui ont fragilisé les relations franco-maliennes, qui ont atteint un point de non-retour depuis plusieurs mois.

Là où le bât blesse, c’est que le communiqué occidental parle de déstabilisation du Mali. Pourtant, non seulement, la France a passé huit ans dans le pays sans pour autant atténuer la menace terroriste. Mais, en plus, affirmait Maïga en octobre dernier, « le Mali n’a pas accès à Kidal, c’est une enclave contrôlée par la France. Il y a des groupes armés entraînés par des officiers français ».

Et lorsqu’il s’agit des « fonds rares » que le Mali ne devrait pas dilapider pour « recruter des mercenaires », il faut rappeler que la Cedeao, que le communiqué d’hier soutient, a sanctionné économiquement le Mali et l’instance a suspendu l’adhésion de Bamako. La banque sous-régionale, la BCEAO, l’Union africaine (UA), le FMI et l’Union européenne (UA) font également pression sur le Mali.

Alors, vers qui le Mali aurait-il dû se tourner ? Bamako était-elle supposée subir le chantage de la France et de ses alliés ?

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