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Pourquoi la France refuse-t-elle de demander pardon pour la colonisation ?

Ce mercredi, dans Le Point, le président français Emmanuel Macron a estimé ne pas avoir à formuler d’excuses à l’Algérie, pour la colonisation et la guerre.

En juillet 2020, la revue nigériane The Republic posait une question : « En Afrique, à quel avenir avons-nous droit sans une juste reconnaissance du passé  ? » Le journal évoquait alors la colonisation britannique. Certes, la France n’a jamais colonisé le Nigeria. Mais la même question se pose pour l’Afrique. Avec la possibilité d’aller encore plus loin : faut-il que Paris demande pardon à ses anciennes colonies ? Il a fortement été question de cette interrogation lors des discussions entre Paris et Kigali. Mais c’est surtout du côté de l’Algérie que l’on aimerait, un jour, obtenir une demande de pardon de la part de la France.

Ce qui n’arrivera pas. Pas à court terme en tout cas. Le président français Emmanuel Macron vient en effet de déclarer qu’il n’avait « pas à demander pardon » à l’Algérie pour la colonisation. Mais selon le chef de l’État français, il faut poursuivre le travail de mémoire et de réconciliation entre la France et l’Algérie. Une position délicate alors que Paris et Alger ont réchauffé leurs relations ces derniers mois, et alors qu’Abdelmajid Tebboune devrait effectuer une visite officielle en France cette année.

L’Allemagne s’excuse, pas la France

Comme pour la colonisation algérienne, la France, au Rwanda, a réussi à passer outre la demande de pardon. En mai, Emmanuel Macron avait évoqué la « responsabilité » de la France dans le génocide rwandais, sans aller plus loin. Dans le dossier algérien, il ne serait pas délirant de s’attendre à de vraies excuses : en 1962, il a fallu une guerre sanglante pour que l’Algérie finisse par obtenir son indépendance. Là-bas, l’armée française s’est livrée à la torture et à des exécutions. Mais la demande de pardon n’est jamais intervenue, depuis l’Élysée.

Est-ce un tabou purement français ? L’Allemagne, par exemple, à propos du génocide en Namibie entre 1904 et 1908, a qualifié « officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide » et le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a déclaré : « À la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux descendants des victimes ».

Emmanuel Macron, lui, refuse de faire la même démarche que les Allemands. « Le pire serait de conclure : ‘On s’excuse et chacun reprend son chemin’. Là, la fausse réponse est aussi violente que le déni. Parce que, dans ce cas, ce n’est pas la vraie reconnaissance. C’est le solde de tout compte ». Lors de la remise de son rapport sur les faits commis en Algérie par l’armée française, l’historien Benjamin Stora avait lui-même jugé qu’une demande d’excuses ne serait pas efficace.

Des excuses qui seraient légitimes

Sauf qu’avec 132 ans de colonisation et des massacres comme celui de Sétif, avec un bilan de 40 000 morts, selon les historiens algériens, l’Algérie a le droit de demander de véritables excuses. En juillet 2020, Abdelmajib Tebboune demandait cela de la part de Paris. D’autant qu’Emmanuel Macron a bien demandé pardon aux harkis. Sur la colonisation, il préfère effectuer un travail historique.

Le devoir de mémoire plutôt que les excuses… Et si les deux n’étaient pas incompatibles ? « En vérité, la France devrait s’excuser pour son passé colonial qui hante tous les individus qu’il touche. Elle devrait commencer un exercice de vérité et de réconciliation, examinant l’héritage du projet colonial et le terrible vol culturel », estime Dominique Day, vice-présidente du groupe de réflexion de l’ONU sur les individus d’ascendance Africaine. D’autant, poursuit-elle, que « la France doit également analyser comment sa propre richesse et stabilité sont directement reliées à l’instabilité et l’exploitation de ses anciennes colonies ».

Les opposants à la demande de pardon, eux, préfèrent s’appuyer sur une déclaration de Montalembert. En 1863, l’académicien français disait : « Pour juger du passé, il aurait fallu y vivre ; pour le condamner, il faudrait ne rien lui devoir ».

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