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Ouganda-Rwanda : comment Museveni désamorce la bombe Kagame

Museveni Kagame

Les pays de la région des Grands Lacs ont une longue histoire d’antagonisme, plus récente et sanglante que la mémoire coloniale. Mais, surtout, entre le président ougandais Yoweri Museveni et son homologue rwandais Paul Kagame, c’est « Je t’aime, moi non plus ».

Depuis plus de trois décennies, les dirigeants du Rwanda et de l’Ouganda, Paul Kagame et Yoweri Museveni, entretiennent une relation houleuse, qui s’est répercutée sur les relations entre leurs deux pays. Entre 2019 et janvier 2022, les frontières communes entre les voisins d’Afrique de l’Est étaient fermées à cause d’un supposé soutien de Kampala au parti d’opposition, le Congrès national rwandais (RNC), alors que l’Ouganda accusait Kigali de détention illégale de militaires.

Des prétextes ? Il s’agit surtout d’un cumul de tensions et si la volonté n’a pas manqué pour tenter de les résoudre ces dernières années, les relations entre Kagame et Museveni sont aussi enflammées que les volcans dormants des montagnes des Virunga séparant leurs pays respectifs. Mais, plus le temps passe, plus des gestes d’apaisement se font sentir. Et c’est du côté ougandais que l’on recherche actuellement une solution.

Qu’a fait Paul Kagame de son pouvoir ?

Car du côté de Paul Kagame, ce sont ses déclarations hostiles, surtout vis-à-vis de ses voisins, qui ont souvent mis le feu aux poudres. Qu’il s’agisse du Burundi, de la République démocratique du Congo (RDC), de l’Ouganda ou de la Tanzanie, le président rwandais s’est senti persécuté et enclavé tout au long de son mandat.

Une majorité des observateurs considèrent que Kagame n’aurait jamais accédé au pouvoir sans l’appui de Museveni. Au début des années 1990, c’était littéralement Yoweri Museveni qui avait imposé Paul Kagame à la tête du Front patriotique rwandais (FPR) à la suite de la mort de Fred Rwigema.

Mais c’est ce qu’a fait Kagame de son pouvoir fraichement acquis qui a déragé, et pas seulement à Kampala. Le président rwandais s’est en effet mis la majeure partie de la communauté internationale à dos, notamment après l’assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana, qui a été le point de départ du génocide des Tutsis.

Si l’hypothèse de l’implication de Kagame dans l’assassinat de l’ex-président n’a jamais été formellement prouvée, elle n’en demeure pas moins sérieuse.

Quoi qu’il en soit, en 21 ans de pouvoir, Paul Kagame a toujours cherché à s’affirmer parmi ses pairs. D’où son penchant pour une diplomatie agressive, qui n’est pas toujours du gout de ses voisins.

« Nous sommes un petit pays, mais nous sommes trop grands pour être les subordonnés de l’Ouganda. (…) Dans cette relation, il ne peut pas y avoir de ‘grand frère’ qui dit à l’autre ‘Fais ceci ou fais cela’. Nous ne pouvons l’accepter », affirmait l’année dernière le président du Rwanda.

Comment régler les affaires de famille selon Museveni

Pourtant, Yoweri Museveni ne capitule pas. Plus apaisé que son filleul du FPR, il a tout de même réussi à canaliser les caprices de Kagame pendant plus de deux décennies.

Rien que ces trois dernières années, entre un passage de la présidence de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), la médiation pour le retour du bon voisinage entre le Rwanda et le Burundi, un échange de prisonniers de grande envergure, puis, en janvier dernier, la réouverture des frontières… Museveni remue ciel et terre pour calmer les ardeurs de son petit voisin belliqueux.

En quelque sorte, l’intervention militaire de l’Ouganda en RDC, qui a visiblement irrité Kagame, sert également les intérêts de ce dernier. Si d’un côté, certains estiment que Kigali a été marginalisée dans cette opération antiterroriste, de l’autre côté, apaiser la région du Kivu protège tout autant les intérêts rwandais que ceux de ses voisins.

Mais loin du président ougandais l’idée de compter sur le rationnel de Kagame. Après une longue médiation menée par l’ambassadeur ougandais à Kigali, Adonia Ayebare, cette « affaire de famille » comme la qualifie Museveni, devra être réglée… en famille.

Donc, à défaut de rencontrer Kagame, Yoweri Museveni a envoyé son fils et conseiller, le général Muhoozi Kainerugaba, à Kigali. C’est la seconde fois que Kainerugaba visite le Rwanda en un mois. La seconde visite, qui s’est tenue lundi, « réglera tous les soucis en suspens entre l’Ouganda et le Rwanda », affirmait le fils de Museveni.

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