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Bénin : mais combien d’opposants Patrice Talon a-t-il fait emprisonner ?

Le 27 juillet dernier, après un tête-à-tête avec Emmanuel Macron, le président du Bénin Patrice Talon a fait libérer 30 opposants. De nombreux autres sont toujours derrière les barreaux.

Mi-juin, le président du Bénin, Patrice Talon, avait décidé de gracier des opposants supposément impliqués dans une affaire de tentative de coup d’Etat. Les 17 personnes libérées — provisoirement — l’avaient été suite à une rencontre entre le chef de l’Etat et son prédécesseur, Thomas Yayi Boni. Lors de la visite du président français Emmanuel Macron, ce sont 30 nouveaux détenus d’opposition qui ont été libérés. De quoi s’interroger sur le nombre de prisonniers politiques qui croupissent dans les geôles béninoises…

On était loin, en 2016, de se douter que le roi du coton deviendrait un de ces présidents autoritaires qu’il affirmait autrefois détester.  « On m’a connu comme roi du coton. Aujourd’hui, je veux devenir celui qui a réussi à transformer son pays, politiquement, administrativement, économiquement », expliquait Patrice Talon au moment d’être élu, promettant d’ailleurs à l’époque de ne faire qu’un mandat unique.

Depuis, Talon a changé de cap. Non seulement, il a rempilé pour un second mandat. Mais il a aussi lancé, dès la campagne de 2021, une série d’arrestations contre ses opposants. Le porte-parole du gouvernement, Alain Orounla, assurait alors qu’« il n’y a aucune chasse aux opposants. Il s’agit de prévenir et de décourager tout acte de violence ou d’appel à l’incivisme et c’est dans ce cadre que s’inscrit l’action de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) qui a entrepris d’écouter certaines personnalités politiques ».

« Pas de détenus politiques au Bénin », vraiment ?

Une fois élu, Patrice Talon avait repris sa chasse à l’opposant. Après les manifestations du mois d’avril 2021, il avait menacé : « Ceux qui en ont été les auteurs ou les instigateurs des violences devront en répondre ». Au final, de nombreuses personnalités béninoises de l’opposition, si elles ne sont pas en exil à l’étranger, sont aujourd’hui derrière les barreaux.

Interrogé sur son autoritarisme lors de la visite d’Emmanuel Macron au Bénin, Patrice Talon a passé un rendez-vous en tête-à-tête avec le chef de l’Etat français. Il a, par la suite, annoncé la libération de trente personnalités, parmi lesquelles l’ancien ministre Ali Houdou, une activiste proche de l’ancien Président Yayi Boni ou encore le vice-président du parti de ce dernier, Paulin Dossa.

Mais une nouvelle fois, il ne faut pas y voir une quelconque grâce présidentielle : la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme n’a que « libéré et placé sous contrôle judiciaire » ces trente personnes qui, si elles pourront retrouver leurs proches, restent poursuivies par la Criet, un instrument tout-puissant au service de Patrice Talon.

Dans son discours de mercredi dernier, le même Patrice Talon a assuré qu’« il n’y a pas détenus politiques » au Bénin. Selon le chef de l’Etat, « personne n’est détenu pour son opinion politique. Mais les gens sont détenus pour avoir commis des crimes des délits dans le champ politique. Donc il se pourrait que dans les temps à venir, dans mon temps ou après moi, que des actes de grâce ou d’amnistie soient pris en faveur de ces gens-là. C’est possible ».

Dans son rapport annuel 2021, Amnesty International dénonçait des « détentions arbitraires » et un « recours excessif à la force », réclamant des « procès équitables » pour les opposants emprisonnés. La cinquantaine de personnes libérées depuis deux mois représente une bonne nouvelle, mais elle n’est que la face cachée de l’iceberg : les procès des ces détenus libérés vont avoir lieu. Quant à Joël Aïvo et Reckya Madougou, ils croupissent toujours en prison, après avoir écopé de lourdes peines. Quant aux exilés, à l’instar de Léhady Soglo l’ancien maire de Cotonou, ils réclament « plus de liberté, d’égalité et de justice ». Enfin, on ne sait pas aujourd’hui combien d’opposants restent emprisonnés, sous la menace d’une Criet qui n’en finit pas de faire régner la terreur.

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