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Le Sahara occidental, pierre d’achoppement entre le Maroc et Africom ?

Sur demande du Congrès américain, inquiet de l’évolution du dossier du Sahara occidental, le Commandement des États-Unis pour l’Afrique Africom devrait délocaliser son prochain exercice militaire de l’African Lion.

Alors que, le 10 juin dernier, le Commandement des États-Unis pour l’Afrique Africom annonçait fièrement les débuts de l’African Lion 2022 au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et au Ghana, l’exercice militaire pourrait finalement s’éloigner du royaume chérifien. L’annonce est d’ailleurs quasi officielle : « Nous recherchons d’autres endroits où organiser, en partie ou entièrement, les prochains exercices militaires de l’African Lion », a en effet expliqué le général Townsend, il y a maintenant une semaine.

La demande émanerait, selon le général, du Congrès américain. « Nous sommes en train de le faire car le Congrès nous a demandé de déplacer ces exercices », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse en ligne. Evoquant notamment des coupes budgétaires : le nouveau budget de Défense pour l’année 2022, adopté par le Congrès, exige que « nous nous penchions sur une diversification des exercices militaires et par diversification, il s’agit d’essayer de déplacer les exercices ou en tout cas certains éléments des exercices dans d’autres lieux du continent », a expliqué Townsend.

Un partenariat conditionné au Sahara occidental

D’ailleurs, la Loi de finances américaine indique clairement vouloir « limiter le soutien aux forces militaires du royaume du Maroc pour des exercices multilatéraux ».

Le Maroc est pourtant un partenaire historique d’Africom : l’African Lion est né en 2004. Au moment de conclure l’exercice 2022, le général Townsend rappelait les enjeux de l’exercice militaire, qui est « l’opération multinationale et multidisciplinaire la plus importante et la plus diversifiée que nous ayons menée en Afrique, en collaboration avec les Forces armées royales depuis 2004 ».

Mais l’annonce d’un départ du Maroc est-elle exclusivement liée à des questions de budget ? Pas vraiment. Selon des sources proches d’Africom, ce sont les intérêts géopolitiques qui auraient eu raison de l’accord entre les Washington et Rabat. Notamment la question du Sahara occidental. Le Congrès estime que le royaume chérifien n’est pas assez coopératif dans ce dossier extrêmement sensible, surtout depuis que Donald Trump a reconnu, en décembre 2020, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

Pour le Congrès, le Maroc n’est pas totalement exclu de la coopération militaire avec Africom. Les exercices militaires seront délocalisés, « à moins que le secrétaire à la Défense détermine, après consultation du secrétaire d’Etat, que le royaume du Maroc s’efforce de trouver une solution mutuelle politiquement acceptable au Sahara occidental ».

Biden peut-il outrepasser la décision du Congrès ?

Les mots sont donc posés : le tout-puissant Congrès américain conditionne la poursuite au Maroc de l’African Lion à un changement d’attitude de Rabat au Sahara occidental et réclame « la paix ». Reste que l’armée américaine peut encore passer outre la demande du Congrès. Mais dans ce cas, ce sera à Joe Biden d’effectuer un coup de force. Le président américain a évité d’annuler la décision de son prédécesseur mais a désiré rester plutôt neutre sur le sujet.

Autre point important : le général Townsend n’aura plus les commandes d’Africom dans les semaines à venir et sera remplacé par le général Michael Langley. Là aussi, cela peut considérablement changer les perspectives de l’African Lion.

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