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Le manque d’ambitions tunisiennes en Afrique de plus en plus flagrant

En ne participant pas au sommet virtuel de l’Union africaine début février, Kaïs Saïed a montré l’absence de politique africaine de la Tunisie.

Mai 2020. Au pouvoir depuis sept mois, le président de la République tunisienne, Kaïs Saïed, appelle son homologue sénégalais, Macky Sall. Il s’agit d’un véritable événement. Quasi absente de la scène africaine, la Tunisie voit son président promettre au chef de l’Etat sénégalais de mettre l’accent sur les liens historiques exceptionnels qui unissent les deux pays depuis plus d’un demi-siècle. Mieux, les médias tunisiens parlent alors d’un « modèle de coopération afro-africaine ».

Depuis ce coup de fil entre les deux présidents, c’est le néant. La diplomatie tunisienne aurait-elle oublié les fondements d’une politique afro-africaine ? Début février, le président Kaïs Saïed a en tout cas frappé un grand coup… par son absence du 34e sommet de l’Union africaine. Et sa phobie de l’avion n’est pas un argument : c’est devant des ordinateurs que les chefs d’Etat de l’UA ont discuté. Kaïs Saïed exècre-t-il à ce point le reste du continent ?

Le seul pays qui ne mène pas d’action diplomatique en Afrique

« Les Tunisiens ont tendance à oublier qu’ils font partie de l’Afrique. Ce continent n’intéresse pas le chef de l’Etat, très habité par l’idéologie nationaliste arabe et donc essentiellement tourné vers le monde arabe », résume à Jeune Afrique l’historienne Sophie Bessis. Le magazine parle de « grand malentendu » entre le continent et la Tunisie, pays qui se targue pourtant souvent d’avoir donné son nom à l’Afrique. La politique africaine de ce pays du Maghreb est pourtant inexistante depuis plusieurs décennies…

« Il y a vingt ans, la Tunisie était le seul pays du Maghreb à mener en Afrique une action diplomatique d’envergure. Aujourd’hui, il est pratiquement le seul qui n’en mène pas une ». Cette citation est issue du livre « Le Maghreb et son Sud : l’enjeu économique africain » publié il y a plusieurs années par le CNRS. Mohsen Toumi, ancien expert de l’ONU, déplore le manque d’ouverture de son pays vis-à-vis des autres pays africains. L’occasion de rappeler, dans cet ouvrage, la différence entre un Maroc conquérant, qui multiplie les partenariats Sud-Sud, et une Tunisie qui se complait dans l’immobilisme.

Moncef Marzouki plus ouvert sur le continent africain

En début de pandémie, la Tunisie a pourtant tenté d’être à l’origine d’une résolution impliquant les autres pays africains. Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, la Tunisie voulait activer la solidarité internationale pour lutter contre le coronavirus. Mais pas facile pour la Tunisie de négocier avec l’Afrique, lorsqu’on sait que le pays n’a pas payé sa contribution financière à l’UA. En novembre 2020, l’institution avait alors privé les Tunisiens de prendre la parole lors des réunions de l’Organisation, et ce pour une période de six mois.

Kaïs Saïed rompt en tout cas avec ses prédécesseurs. Moncef Marzouki n’avait jamais hésité à participer à des sommets de l’Union africaine. Béji Caïd Essebsi, avant lui, avait tenté de nouer quelques relations Tunisie-Afrique, sans véritable vision. Mais si l’on parle beaucoup de la Tunisie à l’échelle continentale, c’est surtout pour son manque de diplomatie dans les autres pays… et pour le racisme anti-Noirs dans ce pays du Maghreb qui a mis des années avant de discuter une loi pénalisant le racisme.

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