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Le Mali face au chantage, ces choses que la France peine à comprendre

La Banque Mondiale a suspendu ses décaissements envers le Mali, s’ajoutant ainsi à l’embargo financier auquel fait face Assimi Goïta. le nouveau président malien est il l’espoir du pays ou sera-t-il son souffre-douleur ?

La Banque Mondiale a décidé de suspendre ses aides financières au Mali. Cette décision intervient deux jours après l’arrêt des opérations conjointes entre les armées française et malienne. Ainsi que le changement à la tête du pouvoir malien. En effet, Assimi Goïta, le nouveau président du Mali après un coup d’Etat remarquablement encouragé par les Maliens, est désormais chef d’Etat à tous les effets.

Choguel Maïga, le Premier ministre en devenir, se tient fermement à ses côtés. Figure de l’opposition politique du mouvement M5-RFP, Maïga a réussi à se réconcilier avec l’Imam Mahmoud Dicko, le principal leader religieux du Mali. En plus, les deux chefs de l’exécutif malien ont réussi à s’entendre avec la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Réalisant ainsi un consensus national absolu autour du président Assimi Goïta.

Face à cette incroyable unité, la France sent son ingérence habituelle dans les affaires maliennes menacée. Surtout depuis que les chefs d’Etats de la CEDEAO n’ont décidé qu’une suspension symbolique du Mali. Sans pour autant imposer des sanctions. Toutefois, et depuis lors, la France a suspendu l’activité militaire de son opération Barkhane. Ce qui, si on en croit la presse, aurait fait paniquer les instances financières.

Les Maliens craignent aujourd’hui que la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne prenne acte de la décision de la Banque Mondiale. Il est clair que l’actuel président français, et ancien employé de la banque Rothschild, Emmanuel Macron, a pesé dans l’embargo financier à l’encontre du Mali. Cependant, il existe des choses que Macron, et l’Etat français, n’ont jamais pu comprendre à propos de l’Afrique ou du Mali.

Le président malien est iconique, voilà pourquoi

Les populations maliennes voient en Assimi Goïta un président jeune. Cet élément est important car le président de 38 ans n’est comparable qu’avec le seul chef que la jeunesse malienne aurait connu. Ibrahim Boubacar keïta (IBK) est aujourd’hui âgé de 76 ans. Or, le Mali est un pays jeune, au centre de la partie Nord de l’Afrique. Il n’y a jamais eu un président aussi moderne dans la région.

De plus, les populations observent avec attention le rapprochement entre Assimi Goïta et les deux chefs charismatiques qui avaient mené les manifestations contre IBK. En effet, Choguel Maïga représente l’élite politique du pays, et l’imam Dicko est un phénomène social personnifié. Assimi Goïta n’a donc pas de soucis à se faire quant à sa popularité dans le pays.

Ensuite, il serait normal que les instances africaines se sentent menacées par une personnalité aussi populaire. Assimi Goïta est exactement ce que Alassane Ouattara, par exemple, n’est pas. De surcroit, le président malien se voudrait contre l’interventionnisme français. Cela aussi est un facteur que la diplomatie française n’arrive pas à appréhender.

Car même si les rapports entre la France, les instances internationales et les pays africains francophones se compliquent, l’Etat français est intimement convaincu que le souci ne viendrait pas de lui. Jusqu’à aujourd’hui, seule l’élite africaine au pouvoir a été en mesure de discuter avec les autorités françaises. Et pour des intérêts géostratégiques, par peur d’isolement ou afin s’assurer la continuité de l’Etat, les dirigeants africains se sentent contraints de « suivre les règles ».

Sauf que ces règles ont montré leur échec à adhérer à la volonté des populations. Le néocolonialisme français n’est plus une solution viable pour la jeunesse malienne et africaine. Peu importe donc l’agenda de Goïta, actuellement il a réussi à réunir les Maliens autour d’un antagoniste commun.

La France ne peut pas comprendre, ou comprend-elle trop bien ?

Que cette approche soit voulue ou non, il est clair que la communication de l’Etat malien surfe sur cette vague. Cela pourrait tout aussi bien être de la propagande classique. Maintenant, le réel test d’Assimi Goïta commence. C’est vers l’international que le regard de l’Etat malien doit porter. La BCEAO, par exemple, est la source principale de financement du Mali.

D’abord, le pays dépend énormément de l’importation, surtout au niveau des produits de première nécessité. Or, les marchés bilatéraux et multilatéraux de produits agricoles et de médicaments représentent respectivement 38% et 71% des importations. Ce sont bien des acteurs privés, majoritairement occidentaux, qui assurent le reste. Avec la précarité, les crises hydraulique et énergétique, la couverture sanitaire insuffisante etc. C’est un chantier d’envergure qui attend Assimi Goïta, surtout s’il se présente, et gagne, l’élection de février 2022.

Le chef d’Etat ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Quitte à abandonner la longue relation liant la France et le Mali, il faudrait une soupape à la coopération internationale. Seulement voilà, Emmanuel Macron et son gouvernement ont travaillé ces derniers jours à discréditer l’Etat malien. Et le Mali se dirigera donc vers des opposants stratégiques à la France pour des accords économiques et commerciaux urgents.

Au vu des besoins maliens, et de l’urgence relative de ces nécessités, la Russie, la Chine, les pays d’Amérique latine, l’Inde, l’Asie transcontinentale, l’Australie ou même le Groënland chercheraient sans doute à profiter de cette situation. Surtout que si on observe la situation financière et l’hostilité occidentale, il serait difficile de convaincre un Etat d’investir au Mali. Les acteurs privés seraient encore plus farouches, et bien plus voraces. Assimi Goïta se tournera-t-il vers l’Afrique qui a suspendu son pays de ses deux institutions politico-économiques de référence ? Ou cherchera-t-il ailleurs ?

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