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La Cedeao va-t-elle survivre aux coups d’Etat ouest-africains ?

Cedeao

Le sommet de la Cedeao, qui s’est tenu à Accra ce jeudi, n’a abouti à aucune nouvelle prise de position de l’instance vis-à-vis du Mali, de la Guinée ou du Burkina Faso. La Cedeao semble surtout préoccupée par sa survie.

Quinze Etats-membres, dont trois suspendus en six mois. Le « syndicat des chefs d’Etat » perd de plus en plus de ses adhérents. Et continue de distiller des sanctions contre les pays qui font tomber leurs présidents respectifs.

Concernant le Burkina Faso, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a reporté l’adoption des sanctions maximales contre les autorités militaires du pays, qui ont fait tomber le président Roch Marc Christian Kaboré.

En examinant le communiqué final du sommet des chefs d’Etat de la Cedeao, tenu ce jeudi à Accra, on se rend rapidement compte que, si la Cedeao menace de la même façon la junte du Burkina que le Mali ou la Guinée, mettant la pression sur l’armée du pays, l’instance sous-régionale semble à court d’idées.

La Cedeao propose « l’accompagnement des autorités de transition » au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, mais demande dans le même temps que soit mis en œuvre un calendrier « acceptable » pour les élections.

L’air de rien, la Cedeao pourrait bien avoir plus à perdre qu’à y gagner, en imposant ses sanctions. Car trois Etats-membres de l’instance ont déjà été suspendus en huit mois. La Cedeao a aussi décidé d’appliquer un blocus sur le Mali, qu’elle ne compte pas lever. Et, mardi dernier, le coup d’Etat avorté en Guinée-Bissau a failli énucléer un autre pays du corps putréfié de l’instance régionale ouest-africaine.

Désormais décriée par les populations de tous les pays de la sous-région, la Cedeao ne semble que peu préoccupée par son autorité inexistante, sa réputation et sa popularité irrémédiablement effritées.

La survie de la Cedeao, un véritable enjeu

Il faut savoir que les trois pays suspendus de la Cedeao — Mali, Guinée et Burkina Faso — représentent plus du tiers du territoire de la sous-région. A trois pays près, l’instance perdra, également, tous les quorums nécessaires à la conduite des affaires au sein de tous ses organes. Autrement dit, si l’Afrique de l’Ouest enregistre trois nouveaux coups d’Etat cette année, ce sera la paralysie totale au sein de l’instance sous-régionale.

Première victime des coups d’Etat ouest-africains : la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont le quart des membres sont désormais suspendus. Si le putsch en Guinée-Bissau avait abouti, la BCEAO aurait été dans l’impossibilité d’adopter son prochain budget. Un exemple parmi tant d’autres.

Pour cette raison, la Cedeao a également décidé, à la suite de son récent sommet, de déployer l’Ecomig — les Casques Blancs — en Guinée-Bissau, afin de consolider la position du président Umaro Sissoco Embaló, dont l’instance a besoin pour sa survie. Le président bissau-guinéen est loin d’être populaire auprès de plusieurs chefs d’Etat de la Cedeao, mais il est de l’intérêt de ces derniers de le protéger à tout prix, au même titre que ses homologues.

Et le président en exercice de la Cedeao le dit ouvertement : il y a « une contagion de coups d’Etat », déplore Nana Akufo-Addo. Mais si les raisons, et leur degré de légitimité, comme celui des meneurs des putschs, varient, le résultat est le même. La Cedeao est, aujourd’hui, amputée. Et si l’instance continue à la fois à sanctionner les pays en transition, tout en soutenant le règne despotique ou la gouvernance faible de certains chefs d’Etat, obéissant au doigt et à l’œil au diktat franco-européen, la « contagion » n’en sera que plus légitime pour les militaires et les populations des pays membres.

Des euphémismes ou une façon de parler ?

Néanmoins, le président de la Commission de la Cedeao, Jean-Claude Kasso Brou, précise bien la prédisposition de la Cedeao à discuter avec les autorités. « Nous les avons engagés. Et ils ont manifesté leur intérêt à travailler avec la Cedeao pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel », a déclaré Brou.

D’un autre côté, la Cedeao a donné aux autorités maliennes une chance de « se racheter ». Le communiqué du sommet de jeudi parle d’une possible « levée progressive des sanctions » contre le Mali. Cependant, cette finalité ne serait atteignable que si les autorités maliennes proposaient rapidement « un chronogramme acceptable à la Cedeao ».

La conférence des chefs d’Etat de la Cedeao conclut avec son « engagement à renforcer la démocratie et la bonne gouvernance dans la région », et sa « préoccupation face aux cas de violation de l’ordre constitutionnel dans la région, notamment par le biais des coups d’Etat militaires ». Deux principes qui interpellent, alors que siégeaient, au sein de l’assemblée, Alassane Ouattara, Faure Gnassingbé, ou encore Patrice Talon, tous les trois très peu respectueux de leurs Constitutions respectives.

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