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Guinée : Mamady Doumbouya met en place un « gouvernement de l’ombre »

Doumbouya Camara

Le président de la transition guinéenne Mamady Doumbouya et son Premier ministre Mohamed Béavogui ne s’entendent plus. Pour réduire le pouvoir de ce dernier, Doumbouya a mis en place un « Bureau de suivi des priorités présidentielles ».

Selon plusieurs observateurs, les lourdes sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au Mali ont été destinées, notamment, à décourager les autorités militaires en Guinée de toute tentative de prolonger leur mandat.

Mamady Doumbouya, actuel président de la transition, avait décidé en décembre qu’il lui faudrait deux ans pour en arriver à des élections. Conakry vient tout juste de convoquer les partis politiques, qui ont été invités à participer à une « rencontre sur la transition ». Des pourparlers qui n’auraient duré que trois heures, au bout desquels des responsables politiques sont ressortis heureux — le chef du parti du président renversé Alpha Condé notamment — et d’autres beaucoup moins, à savoir les partis de l’opposition.

Pourtant, le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD), conglomérat de gradés militaires soutenant le putsch de Mamady Doumbouya, avait bénéficie d’un véritable soutien de la part de l’opposition politique civile, juste après le coup d’Etat en Guinée.

Qu’est-ce qui a bien pu changer entre temps ?

La fin de la lune de miel entre Doumbouya et Béavogui

Au lendemain du sommet de la Cedao du 12 décembre dernier, de premières tensions sont apparues entre Mamady Doumbouya et son Premier ministre, civil, Mohamed Béavogui. L’annonce, lors du fameux sommet, du prolongement de la transition de deux ans a fâché les optimistes qui avaient offert une certaine légitimité à la prise de pouvoir par Doumbouya. Parmi ces anciens soutiens, les civils dans le gouvernement, notamment Béavogui et le ministre des Affaires étrangères Morissanda Kouyaté.

Le 13 décembre, le CNRD annonçait être « le seul responsable de la mise en place des organes de la transition ». Notamment de la nomination des 81 membres du Conseil national de la transition (CNT), qui organisera les prochaines élections.

Quelques jours plus tard, relate Jeune Afrique, Mohamed Béavogui s’était dit consterné par la décision de rebaptiser l’aéroport Conakry-Gbessia, désormais appelé Ahmed Sékou Touré. Un oncle de Béavogui était mort en détention sous le régime Sékou Touré en 1977.

Une série de décisions unilatérales qui vont à l’encontre de l’image que cherche à projeter Mamady Doumbouya. Ce dernier, cherchant à profiter du contexte malien — le président Assimi Goïta est très populaire au Mali — a tenté de marcher sur les pas de ce dernier pour consolider son emprise sur la Guinée.

Mais Doumbouya n’est pas Goïta. Le président guinéen est considéré comme plus brutal et moins consensuel. Et là où Goïta est critiqué à l’international, lui perd peu à peu le soutien des civils dans son propre pays.

Le BSPP, un gouvernement à la place du gouvernement

Et ce n’est pas sa dernière décision qui lui rendra sa popularité. Dans un décret présidentiel publié dans la soirée du lundi 10 janvier, Mamady Doumboya a mis en place « Bureau de suivi des priorités présidentielles (BSPP) ». « Il s’agit ni plus ni moins d’un gouvernement de l’ombre, doté de pouvoirs étendus », résume un spécialiste de la Guinée. Ce groupe sera nommé directement par Doumbouya et aura la main sur le budget du gouvernement. Il veillera également « sur l’exécution des programmes prioritaires ». Une manière pour Mamady Doumbouya d’annoncer, sans le dire, qu’il met son gouvernement au pas.

Difficile de ne pas faire le rapprochement entre ces décisions surprenantes de Mamady Doumbouya, et son récent rapprochement avec le colonel Amara Camara, ministre secrétaire général de la présidence. Petit-fils de Diarra Camara, l’ancien chef d’état-major de Lansana Conté, et porte-parole du CNRD, Camara a été parachuté dans le paysage politique guinéen et il a, ces derniers temps, tissé sa toile.

Amara Camara était également au centre du différend entre le CNRD et le gouvernement autour du départ de la ministre de la Justice Fatoumata Soumah.

Autant d’événements qui montrent que la junte guinéenne cherche à s’accrocher au pouvoir à tout prix, alors qu’elle avait une chance inespérée d’entrer dans l’histoire après la chute d’Alpha Condé, en redressant une situation politique désastreuse en Guinée.

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