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Ethiopie : le prix Nobel de la Paix veut se « mobiliser sur le front »

Le Premier ministre éthiopien a annoncé vouloir mener ses militaires au Tigré et a appelé les populations à se défendre. De quoi craindre une nouvelle escalade de violences dans le pays.

Après Idriss Déby, mort au front au Tchad, c’est au tour du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, d’affirmer vouloir se rendre au Tigré pour mener personnellement ses troupes. Reste à savoir si le Premier ministre en a les moyens. Si Déby a fait sa carrière dans l’armée, Ahmed est-il également un homme de terrain ? Cadre technique spécialiste en cybersécurité et fondateur de l’Agence nationale de sécurité des réseaux d’information, il a, certes, combattu contre le régime militaire de la République démocratique populaire d’Éthiopie au début des années 1990, avant de servir au sein de l’armée éthiopienne. Mais cela n’en fait pas, pour autant, un meneur d’hommes.

Qu’importe. Ce lundi, le Premier ministre éthiopien a annoncé qu’il serait mobilisé, dès ce mardi, « sur le front pour mener les forces armées ». Plus d’un an après le début de la guerre entre les autorités éthiopiennes et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), ce dernier se rapproche de la capitale Addis-Abeba. Pour Abiy Ahmed, la situation est tellement critique qu’il en appelle à la bonne volonté du peuple : « Ceux qui veulent être parmi les enfants éthiopiens qui seront salués par l’histoire, levez-vous pour le pays aujourd’hui. Retrouvons-nous au front », a-t-il lancé sur les réseaux sociaux.

Du Nobel de la Paix à la guerre

On est loin de l’image acquise par Abiy Ahmed, après l’obtention du prix Nobel de la Paix. Le Premier ministre, en 2019, a été récompensé pour « ses efforts en vue d’arriver à la paix et en faveur de la coopération internationale, en particulier pour son initiative déterminante visant à résoudre le conflit frontalier avec l’Érythrée », assurait alors le comité Nobel.

Or, depuis, Ahmed est accusé d’avoir attisé le conflit tigréen. Awol Allo, professeur de droit à l’université de Keele, rappelle qu’« Abiy a exclu tous les membres du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) du cabinet. Il a ensuite reporté les élections. Le TPLF a alors organisé des élections au Tigré. Ils ont affirmé ne pas le reconnaître. Il a en retour affirmé qu’il ne les reconnaissait pas, et c’est ce qui a conduit à la guerre ».

Et alors qu’il croyait — et affirmait — que la guerre serait vite expédiée, Abiy Ahmed est désormais confronté à un souci de taille : le TPLF progresserait actuellement vers la capitale, avec une rapidité déconcertante. Les soldats du TPLF seraient déjà à 200 kilomètres de la capitale éthiopienne, assurant avoir pris la localité de Shewa Robit.

Les armes plutôt que la diplomatie

Face à cette situation, le Parti de la prospérité s’est réuni d’urgence pour tenter de trouver une solution à la crise. Le ministre de la Défense, Abraham Belay, a demandé « une action différente », « du changement ». Il dénonce les « exactions infligées par ce groupe destructeur, terroriste et voleur » et appelé les habitants d’Addis-Abeba à se préparer à la guerre.

L’annonce d’Abiy Ahmed de se rendre sur le front est en tout cas un signal fort envoyé à la communauté internationale, et particulièrement à l’Union africaine (UA). L’émissaire de l’Union africaine (UA) pour la Corne de l’Afrique, le Nigérian Olusegun Obasanjo, tentait d’obtenir un cessez-le-feu. Ahmed montre ainsi qu’il ne compte pas faire dans la diplomatie. Il envoie également un signal contradictoire aux Américains, dont l’émissaire, Jeffrey Feltman, discute avec les différentes parties du conflit. Abiy Ahmed, lui, préfère la force aux négociations.

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