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Ethiopie-Etats-Unis : demain, la guerre ?

Ethiopie Etats-Unis

Lundi, Joe Biden a appelé Abiy Ahmed pour lui faire part de ses inquiétudes quant au conflit au Tigré. Bien que le Premier ministre de l’Ethiopie ait déjà fait un pas vers le FLPT en graciant des chefs rebelles, les Etats-Unis continuent de mettre la pression sur Addis-Abeba.

Le président des Etats-Unis, Joe Biden, s’est entretenu au téléphone ce lundi 10 janvier avec le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed au sujet du conflit qui envenime le nord du pays.

Le chef d’Etat américain a fait part de ses inquiétudes concernant les détentions et les morts de civils dans le cadre de la guerre du Tigré. Biden met l’accent, surtout, sur les récents raids aériens qui ont fait des centaines de morts civils.

Le président Joe Biden « a réaffirmé l’engagement des Etats-Unis à travailler aux côtés de l’Union africaine et d’autres partenaires régionaux pour aider à résoudre le conflit », a déclaré la Maison-Blanche.

Joe Biden aurait également félicité Abiy Ahmed pour la récente libération de plusieurs « prisonniers politiques ».

De son côté, Abiy Ahmed a tweeté qu’il avait eu une « conversation franche » avec Biden sur « les problèmes actuels en Ethiopie, les relations bilatérales et certaines questions régionales ».

Depuis le Soudan, l’USAID aide-t-elle les rebelles tigréens ?

Un échange qui rappelle, à s’y méprendre, celui entre l’ancien président américain George Bush et son défunt homologue irakien Saddam Hussein, le jour des attentats du 11 septembre. La suite est connue de tous.

L’Ethiopie est désormais dans le collimateur des Etats-Unis. Le Prix Nobel de la paix Abiy Ahmed et son gouvernement affrontent les rebelles indépendantistes du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) depuis quatorze mois déjà.

Un conflit des plus tragiques dont le coût humain est extrêmement élevé. Depuis la controffensive du FLPT en octobre dernier, les crimes de guerre sont devenus imputables aux trois parties prenantes : l’Ethiopie, le FLPT et l’Erythrée.

Mais une question se pose : pourquoi cet intérêt américain ? Les Etats-Unis ont mobilisé, en août dernier, 500 millions de dollars d’aides humanitaires. L’agence américaine USAID a tenté de faire passer ces aides sans le consentement de l’Etat éthiopien. Ce qui a donné lieu à une guerre d’information entre les Américains et Abiy Ahmed.

Depuis le Soudan, l’USAID entretient le plus grand camp de réfugiés de la région, dont les gérants ne font pas que recevoir des civils, mais également des rebelles. Par ailleurs, c’est depuis le Soudan que proviennent les « témoignages » et le bilan du nombre de morts dans le nord éthiopien.

Source: Blackagendareport.com

Les Etats-Unis, gendarmes du monde

Pourtant, à l’occasion du retrait américain d’Afghanistan en septembre 2021, Joe Biden avait bien déclaré que « les Etats-Unis ne veulent plus être les gendarmes du monde ». Force est de constater que ce costume est difficile à quitter, pour la Maison-Blanche.

Rien qu’en Afrique, les Etats-Unis sont sur tous les champs de guerre : au Sahel, au Mozambique, en Somalie et en Ethiopie. De plus l’armée américaine organise des exercices militaires au Maroc et en Egypte, elle entraîne les commandos des pays de la Cedeao et les forces antiterroristes de la SADC. Et la diplomatie américaine ne manque pas une occasion pour commenter toute tragédie ayant eu lieu en Afrique.

C’est également au début du mandat de Biden que le Pentagone a conclu son contrat d’armement des forces européennes de Takuba, qui doivent prendre la place de l’opération Barkhane au Sahel. Faut-il aussi rappeler que les « instructeurs militaires » américains sont présents dans 21 pays africains, et leur rôle ne se résume pas uniquement à l’entraînement, comme on a pu le voir en août au Tchad ou, plus tard, en septembre, au Mozambique.

Mais si les Etats-Unis profitent de la fragilité des Etats, africains ou autres, pour s’imposer sur la sûreté nationale et la politique souveraine, que font-ils en Ethiopie ?

L’interventionnisme américain en Ethiopie est-il illégal ?

Si l’on se base sur les rares informations vérifiables émanant du conflit tigréen, rares sont les belligérants qui ne font que subir. Des crimes de guerre sont commis, effectivement, mais la responsabilité est partagée. Et si l’Erythrée n’a légalement pas le droit d’intervenir, entre Addis-Abeba et Mekele, c’est une guerre civile en bonne et due forme qui se déroule là-bas.

Or, la charte des Nations unies interdit à tous les Etats tiers signataires de la charte de prendre parti militairement dans les guerres civiles. Le droit international ne permet que trois exceptions concernant les aides humanitaires, les aides économiques — qui ne sont pas de nature d’influer l’issue de la guerre civile — et l’assistance dans le cadre des missions onusiennes.

En ce début d’année, Abiy Ahmed et son gouvernement ont fait un pas significatif vers un cessez-le-feu. La libération des dirigeants du FLPT et des chefs d’opposition Oromo et Amhara, Jawar Mohammed et Eskinder Nega, vendredi dernier, devrait calmer la situation un moment en Ethiopie.

Quant au bombardement de dimanche dernier contre un camp de réfugiés, selon le FLPT, il s’agit d’un raid érythréen. Pourquoi donc les Etats-Unis continuent à mettre la pression sur l’Ethiopie ?

Le pays qui abrite le siège de l’Union africaine est le seul qui résiste encore à l’hégémonie américano-occidentale sur la Corne de l’Afrique. Sur le plan géopolitique, Addis-Abeba est une épine dans le pied de Washington, notamment parce que l’Ethiopie bénéficie d’un soutien diplomatique et économique de la part de la Russie et de la Chine.

Serait-on en train de s’approcher d’un conflit militaire entre les Etats-Unis et l’Ethiopie ? Et Biden peut-il se permettre de déclarer la guerre à Abiy Ahmed en dehors d’une coalition internationale ? Les mois prochains nous en diront davantage.

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