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En Tunisie, Kaïs Saïed veut rester juge et partie

Alors que le tribunal administratif tunisien a exigé la reprise du travail pour les juges révoqués en juin, le ministère de la Justice et le président de la République Kaïs Saïed campent sur leurs positions.

Entre les juges et le président tunisien Kaïs Saïed, la tension reste palpable. Car le feuilleton, que l’on pensait voir toucher à sa fin après la décision du tribunal administratif, se poursuit.

Début juin, la révocation de 57 magistrats avait été décidée par le président de la République. Un décret présidentiel qui avait provoqué l’ire des ONG et des juges. Du côté du palais de Carthage, on reprochait aux magistrats des actes de corruption et d’entrave à plusieurs enquêtes. Mais aussi des épisodes adultérins.

Parmi les juges concernés par cette mesure, qui avait provoqué des grèves, 53 avaient déposé des recours devant le tribunal administratif. Il y a quelques jours, le tribunal administratif a finalement suspendu la décision de Kaïs Saïed, en ce qui concerne 47 des juges qui devaient donc reprendre leurs fonctions après l’obtention d’une copie du verdict mercredi dernier.

Mais Kaïs Saïed, longtemps silencieux après cette décision administrative, préfère engager un bras de fer plutôt que d’accepter ce verdict. Ce dimanche 14 août, le ministère de la Justice a indiqué, dans un communiqué laconique, que les magistrats révoqués faisaient l’objet de poursuites pénales.

Les jugements du tribunal administratifs « sont fermes et ne laissent place à aucun recours, même en cassation », répond dans un communique, ce lundi, la Coordination des structures judiciaires du pays. Selon la Constitution tunisienne, la décision du tribunal administratif est en effet définitive. Le syndicat déplore « la fabrication, a posteriori, de dossiers contre les juges révoqués ».

La ministre de la Justice au cœur de la tempête

La même coordination y voit « un grave abus de pouvoir » de la part de Kaïs Saïed. « Le président, en résumé, envoie un message disant : ‘Je suis l’Etat’ », indique un observateur de la politique tunisienne. Le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed s’était arrogé les pleins pouvoirs. Il avait ensuite décidé de dissoudre, en février, le Conseil supérieur de la magistrature et avait mis en place un CSM provisoire, avant de révoquer les fameux juges.

Reste désormais à savoir comment le tribunal administratif fera appliquer sa décision. En attendant, des voix s’élèvent en Tunisie pour réclamer la tête de la ministre de la Justice, Leïla Jaffel, qui serait à l’origine de la décision de Kaïs Saïed, selon le vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), Bassem Trifi. Mais plusieurs sources affirment que Leïla Jaffel fera bel et bien partie du prochain gouvernement, malgré un remaniement ministériel inévitable.

La presse tunisienne affirme également qu’une commission indépendante, placée sous la juridiction du tribunal militaire, a elle aussi recommandé la réintégration des juges révoqués. « Le président a-t-il été manipulé par sa ministre de la Justice ? Peut-être, écrit Business News. Ce que l’on sait, c’est que la dame n’a pas été reçue par le président depuis deux mois et que ce dernier est en colère après elle ».

Il serait reproché à la ministre de la Justice d’assurer que la totalité des juges concernés par la révocation font l’objet de poursuites judiciaires. Ce que conteste le tribunal administratif. Un imbroglio qui, pour le moment, n’a pas fait infléchir la position de Kaïs Saïed…

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