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Côte d’Ivoire : qu’est donc allé faire Patrick Achi aux Etats-Unis ?

Patrick Achi

Depuis trois jours, le Premier ministre ivoirien Patrick Achi est en visite de travail aux Etats-Unis. Des rencontres avec Antony Blinken, Gina Raimondo ou encore Reta Jo Lewis ont été organisées… Que cache ce voyage improbable ?

Commerce, sécurité, diplomatie… Le voyage du Premier ministre ivoirien Patrick Achi aux Etats-Unis fait la une des journaux abidjanais. A en croire les médias, Achi aurait abordé tous les dossiers possibles et imaginables avec les nombreux responsables américains qu’il a rencontrés ces derniers jours. Mais qu’en-est-il réellement ?

Côté américain, les autorités n’hésitent pas à faire du Premier ministre ivoirien leur faire-valoir de la « position africaine » quant au conflit ukraino-russe. « Nous nous joignons à la Côte d’Ivoire dans la condamnation mondiale de l’invasion de l’Ukraine par la Russie », a ainsi déclaré le secrétaire d’Etat américain Antony Blinek, après une réunion sur… la croissance économique et la coopération sécuritaire.

Car du côté de Patrick Achi, la réunion avec Antony Blinken tournait plutôt autour de l’encaissement du don accordé à la Côte d’Ivoire par le programme américain Millenium Challenge Corporation (MCC) en 2019.

Un don bloqué par les autorités américaines après la dénonciation, par plusieurs ONG, des conditions des dans le secteur de la culture du cacao en Côte d’Ivoire. En particulier concernant l’exploitation des enfants et la déforestation.

Evoquer le conflit en Ukraine place le Premier ministre ivoirien dans une position bien inconfortable. Patrick Achi aurait été poussé à faire cette concession par ses conseillers informels, à savoir l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair et le Français Jacques Attali.

La tournée américaine de Patrick Achi

Quoi qu’il en soit, Patrick Achi et Antony Blinken ont certainement abordé la question des dons américains. Rien ne dit, pour le moment, que les fonds promis seront versés. Mais en l’occurrence, les deux hommes d’Etat ont également discuté de coopération sécuritaire.

Le mois dernier, l’exercice d’entrainement militaire américain Flintlock a tenu sa dernière phase en Côte d’Ivoire. Le terrorisme se déplaçant du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée, Patrick Achi a dévoilé des mesures entreprises par Abidjan. « Face aux défis sécuritaires, nous avons commencé à renforcer la formation de nos soldats. Nous avons aussi renforcé nos équipements et surtout, nous avons investi dans les infrastructures sociales de base, pour améliorer les conditions de vie des populations aux frontières nord, afin de tenter de freiner le terrorisme, qui menace la région », a déclaré Patrick Achi.

Le lendemain, le Premier ministre ivoirien et sa délégation ont rencontré l’équipe de l’Eximbank US, et sa cheffe Reta Jo Lewis, sans doute pour encourager l’instance financière à investir en Côte d’ivoire. « Madame la présidente nous a assurés que le Plan national de Développement (vision 2030) l’intéresse. Il s’agit particulièrement des secteurs de transformation de nos matières premières pour les intégrer dans la chaîne de valeurs mondiale », assure Achi.

De quoi faire d’une pierre deux coups : réduire l’hégémonie des entreprises privées en Côte d’Ivoire d’un côté, mais également impliquer les Etats-Unis comme un investisseur de premier plan dans le pays. Ce qui contribuerait, sans doute, à faire baisser la pression des ONG sur l’Etat ivoirien.

Des enjeux plus obscurs

Au-delà des rencontres publiques, Patrick Achi et sa délégation ont aussi assisté à des réunions un peu plus discrètes.

D’abord, avec Gina Raimondo, la secrétaire de Commerce des Etats-Unis. Très influente auprès des cercles financiers new-yorkais, autant que des patriarches texans de l’armement et des hydrocarbures, Raimondo serait une alliée précieuse de Patrick Achi à Washington. Surtout lorsqu’il s’agira de faire bouger les lignes vis-à-vis de l’administration Biden. Un marché gagnant-gagnant.

Ensuite, l’intervention promise par la nouvelle directrice de l’Eximbank US, Reta Jo Lewis, fera avancer le dossier des aides américaines à la Côte d’Ivoire. Mais, également, l’intégration de la Côte d’Ivoire aux avantages de la loi African Growth and Opportunity Act (AGOA). Cette loi permet aux investisseurs africains, notamment aux entreprises étatiques, d’exporter leurs produits aux Etats-Unis sans taxes. De quoi compenser la distance et le manque de transport commercial par rapport à l’Europe, l’un des clients favoris d’Alassane Ouattara.

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