Site icon Le Journal de l'Afrique

Comment Khalifa Sall et Ousmane Sonko mettent la pression sur le pouvoir

Pas encore certains de pouvoir être candidats lors de la présidentielle de 2024, les deux opposants sénégalais Khalifa Sall et Ousmane Sonko ont entamé des tournées à travers tout le pays.

C’est une technique bien connue. À quelques mois du dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle sénégalaise de 2024, deux hommes se verraient bien jouer les trouble-fête : Ousmane Sonko et Khalifa Sall n’ont en effet jamais caché leurs ambitions électorales. Reste que le premier est engagé dans un long procès pour des accusations de viols et qu’il risque inéligibilité. Le second, lui aussi, pourrait bien être interdit de se présenter, puisqu’il est frappé d’inéligibilité. Mais Sall compte bien sur une amnistie, qui lui permettrait de se présenter à la présidentielle de 2024.

En attendant de connaître leur sort, les deux postulants ont déjà entamé leur pré-campagne. Une façon, pour eux, de mettre la pression sur les institutions sénégalaises. Ils prennent en effet le parti de fédérer leurs électeurs autour d’hypothétiques candidatures. Ce qui, en cas de confirmation de leur inéligibilité, permettrait de lancer des mouvements de protestation importants.

Deux bains de foule

À un an et demi de la présidentielle, Ousmane Sonko avait débuté, en octobre dernier, une tournée dans tout le Sénégal. Tout en structurant son parti et en nommant plusieurs de ses proches à des postes clés au sein des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), sa formation politique, l’opposant affichait clairement ses ambitions. Outre une pression mise sur le pouvoir, dans la mesure où Sonko est très populaire, l’opposant souhaitait également dire à sa coalition Yewwi Askan Wi (YAW), unie lors des législatives, qu’il irait quoi qu’il arrive.

Sonko a, ces derniers temps, été rejoint par son ancien allié : l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, s’est lui aussi lancé dans une tournée nationale. Le politique compte sillonner tout le pays. Officiellement, pour échanger avec les Sénégalais. « Je suis déterminé à concrétiser les nobles ambitions que je nourris pour le peuple sénégalais », a simplement expliqué l’ex-maire de la capitale sénégalaise. De quoi laisser penser qu’il sera candidat lui aussi. D’autant qu’il a déjà assuré qu’il le serait, il y a quelques mois.

Les deux hommes ont plutôt bien joué le coup : d’ores et déjà, ils préparent l’élection de 2024 alors que, habituellement, les partis politiques s’y mettent à la dernière minute. Mais finalement, Sonko et Sall n’avaient pas le choix. En effet, « ils savent que leur destin n’est pas entre leurs mains », résume un observateur de la vie politique qui poursuit : « Ils veulent créer une pression populaire qui, le moment venu, les aidera à faire plier le pouvoir au moment de présenter leurs candidatures ».

Les destins de Sonko et Sall liés ?

Sauf que Sonko et Sall sont dans deux cas de figure différents : l’ancien maire de Dakar compte sur une amnistie. La prochaine loi d’amnistie pourrait le concerner, mais les contours ne sont pas encore exactement définis. Macky Sall, en septembre dernier, a demandé à son ministère de la Justice « d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leur droit de vote ». Khalifa Sall veut donc tout faire pour être concerné par cette future loi. Pour Sonko, les délais sont différents : le procès pour l’affaire Adji Sarr met du temps à se mettre en place et il craint qu’une interdiction de se présenter soit décidée juste avant les dépôts de candidatures.

Alors, pour les deux hommes, il est important de rallier les futurs électeurs à leurs causes respectives. Du côté des instances électorales, on suivra les avis de la justice. Or, le gouvernement a intérêt à diviser pour préparer le terrain au dauphin de Macky Sall — ou à Macky Sall lui-même. « Deux options sont envisageables : ou Khalifa Sall et Ousmane Sonko pourront être candidats, tout comme Karim Wade d’ailleurs, ce qui diviserait l’opposition, ou aucun des deux ne sera autorisé à déposer son dossier », parie l’observateur de la vie politique locale.

Au-delà de la mesure de leurs cotes de popularité, Sall et Sonko ont également besoin de mobiliser les bailleurs. Ces derniers savent pertinemment que leurs destins sont liés aux instances judiciaires.

Quitter la version mobile