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Centrafrique : l’espion français poursuivi en justice

Un mois après son arrestation et sa mise en détention provisoire à Bangui, en République centrafricaine (RCA), le Français Juan Rémy Quignolot a contre lui cinq chefs d’accusation.

La justice centrafricaine, en la personne d’Eric Didier Tambo, le procureur général près la Cour d’appel, a décidé de poursuivre Juan Rémy Guignolot. Le ressortissant français, interpellé à Bangui, est accusé d’espionnage, détention illégale d’armes de guerre, association de malfaiteurs, complot et atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat.

Les images de l’arrestation de Quignolot ont fait le tour du monde. Selon ses documents dont les photos avaient fuité, le Français aurait été présent en Centrafrique en 2013. Quelques jours avant la prise de Bangui par la Séléka. Il aurait aidé l’ancien président et actuel chef de l’insurrection, François Bozizé, à s’enfuir vers le Cameroun.

Lors de son arrestation du 10 mai, Quignolot était déjà présent en RCA depuis des mois. Il était effectivement en possession d’un arsenal d’armes de guerre. Il s’identifiait comme un journaliste, alors que ses documents indiquaient plusieurs métiers, dont « chargé de sécurité ». Durant l’enquête, la police de Bangui a découvert que le disque dur de son ordinateur et d’une tablette en sa possession contenaient des documents incriminants. En l’occurrence, des photos de l’entrainement des rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) de François Bozizé. Aussi, ses appareils contenaient un nombre ahurissant de documents confidentiels de la présidence centrafricaine. Et enfin, des photos et des informations sur les déplacements du président de la RCA Faustin-Archange Touadéra (FAT).

En Centrafrique, les faits sont les faits

Il n’est donc pas un hasard ou un concours de circonstances que Juan Rémy Quignolot voit son dossier traité par la justice. Tous les faits pointent vers son implication dans les crimes dont il a été accusé hier, le 9 juin. Pourtant, le président français, Emmanuel Macron, dénonce une « campagne anti-française téléguidée par la Russie ».

Macron avait ensuite coupé les aides financières à la RCA, gelé la coopération militaire et attaqué le président Touadéra. En effet, le président français a décrit Faustin-Archange Touadéra comme un « otage des paramilitaires Wagner et de ses conseillers russes ». Néanmoins, il est vrai que depuis que les populations civiles centrafricaines avaient chassé les militaires français de Bangui en 2016, FAT s’est entouré de conseillers russes. Cependant, les faits démontrent clairement que l’Etat de la RCA a gagné en souveraineté depuis.

Les forces armées centrafricaines (FACA) en compagnie des paramilitaires russes, ont repris une grande partie du territoire occupé par les milices. Certaines régions étaient hors de contrôle depuis 2014. Bangui a aussi solutionné l’embargo auquel elle faisait face. Les deux milices majeures qui forment la CPC ont été défaites. L’ancien président et proche allié de la France, François Bozizé, avait fui Bangui et révélé qu’il était à la tête de la CPC. Les aides humanitaires pouvaient enfin arriver en RCA, et FAT commençait à s’imposer dans les instances internationales comme souverain d’une nation indépendante.

A qui l’agressivité française envers la RCA incombera-t-elle ?

Tous ces évènements, qui ont eu lieu en trois mois, vont à l’encontre des intérêts géostratégiques français, certes. Mais de là à défendre un espion, à faire défaut aux engagements de l’Etat français et à offenser un président ? Emmanuel Macron a clairement été maladroit dans ses rapports avec la RCA.

Son ministre des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, avait tenté d’envenimer les rapports entre la Centrafrique et le Tchad. En marge de l’incident entre les FACA et l’armée tchadienne. Causé, rappelons-le, par l’action délibérée d’une milice. Les 3R, historiquement sous les ordres de Bozizé, et commandés actuellement par un proche du pouvoir tchadien et de la France. Il s’agirait de Baba Laddé, un ancien opposant tchadien qui avait fait sa paix avec feu Idriss Déby Itno quelques semaines avant l’assassinat de ce dernier.

Le traitement du dossier de l’espion français pourrait donc mettre en évidence une possible implication française dans la crise politique centrafricaine. Pire encore, une immixtion aussi agressive dans les affaires d’un Etat pourrait emmener les deux pays devant la justice internationale. Et causer du tort à Emmanuel Macron qui cherche à se faire réélire pour un second mandat en France.

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