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Centrafrique : démission de Firmin Ngrebada et du gouvernement

Hier, Le Premier ministre de la République centrafricaine, Firmin Ngrebada, a remis sa démission et celle du gouvernement au président. Touadéra ira-t-il vers un remaniement ?

Sans grande surprise, le gouvernement centrafricain a remis sa démission le 10 juin. Le Premier ministre Firmin Ngrebada avait annoncé la nouvelle sur Twitter. Cette démission était attendue depuis la réélection de Faustin-Archange Touadéra le 18 janvier.

Le président a préféré maintenir en place son ancien gouvernement. Cela s’explique par la crise que traversait le pays depuis la campagne électorale. La Coalition des patriotes pour le changement (CPC) menée par l’ancien président François Bozizé a causé un massacre sur le territoire centrafricain. Toutefois, les forces armées centrafricaines (FACA) ont réussi à reprendre une grande partie du territoire et rétablir la présence de l’Etat.

Donc, la démission du gouvernement serait, en effet, une première étape vers un remaniement ministériel. Surtout qu’elle intervient après la fin des élections législatives particulièrement étalées. Cependant, le retard dans la reconduction du Premier ministre Firmin Ngrebada a suscité des interprétations abracadabresques dans les médias. Il y a ceux qui parlent d’une crise politique, d’autres qui mentionnent un nouveau Premier ministre. Et d’autres encore, qui ont élaboré une théorie sur des relations entre l’ancien cabinet et la CPC.

Rien n’est sûr pour le moment, mais à moins qu’il y ait de nouveaux faits, Ngrebada reste seul en lice pour son propre poste. Toutefois, le président Touadéra ne manque pas de gens capables dans son camp. Par ailleurs, l’ancien Premier ministre, Simplice Sarandji, a été élu président de l’Assemblée nationale le 5 mai 2021.

Comment la démission du gouvernement devrait-elle être interprétée ?

Il est de commun accord que la réussite politique de Touadéra repose sur trois facteurs. Premièrement, son parti, le Mouvement Cœurs Unis (MCU), est le fer de lance de sa coalition parlementaire. Deuxièmement, son alliance avec les paramilitaires russes de Wagner lui a valu la reprise du territoire conquis par la CPC depuis des années. Plusieurs diplomates russes font aussi partie de sa sphère politique, à l’instar de Valery Zakharov et Evgueni Prigozhin. Troisièmement, sa récente intégration dans les rouages des institutions sous-régionales. En effet, Faustin-Archange Touadéra commence à être de plus en plus sollicité par ses homologues de la CEEAC et de la CEMAC.

Bien que la récente hausse de popularité de Touadéra soit due principalement à la réussite militaire des FACA, ainsi qu’à sa position diplomatique qui traduit bien le sentiment anti-français en RCA ; les populations s’attendent à une vraie gouvernance, surtout dans les régions qui n’ont pas connu la présence de l’Etat depuis 2014.

Ainsi, les nouveaux enjeux du gouvernement sont deux. D’abord, Firmin Ngrebada est un politicien et législateur de formation. Il contrastait clairement avec son prédécesseur Sarandji qui était un intellectuel. Cependant, la RCA est actuellement confrontée aux soucis économiques. On pourrait donc présumer que même sous Ngrebada, des personnalités influentes de l’industrie, de l’agriculture, de l’énergie et des finances feront partie du nouveau gouvernement. Ensuite, même si Touadéra peut se passer des services de Ngrebada à la tête le gouvernement, probablement pour un poste dans le cabinet présidentiel, la RCA fait face à un autre souci.

Les déclarations de Firmin Ngrebada que les médias choisissent d’outrepasser

Les derniers mois ont démontré que la scène politique centrafricaine était minée des proches de Bozizé. Plusieurs députés ont comparu devant la justice sur fond d’aide à l’insurrection des CPC. Trois autres ont fait l’objet d’enquêtes parlementaires sur la corruption. En effet, des législateurs de la commission « production de ressources naturelles » avaient reçu des pots-de-vin de sociétés étrangères. Il est donc normal que le président Touadéra prenne son temps pour reconduire ou substituer son Premier ministre. Avant la nomination de Ngrebada, le président avait pris quatre jours pour annoncer sa décision.

En contrepartie, la promptitude des médias français à interpréter la nouvelle comme une « crise » est beaucoup plus curieuse. Selon le Premier ministre, « la question de la démission du gouvernement, ou de la nomination ou démission du Premier ministre, relève de la haute discrétion du président », a-t-il déclaré. Devant l’insistance des journalistes, il a précisé : « La constitution ne stipule pas la période de la démission du Premier ministre. Ceux qui sont impatients ne pourront avoir les détails que dans les jours ou les mois à venir ».

Firmin Ngrebada avait fait cette déclaration le 20 mai. Les médias français s’acharnaient alors pour avoir une date de la démission du gouvernement. Rien n’est donc dit pour le moment, si ce n’est que les prochains jours éclairciront sans doute l’intrigue. En marge de ces évènements, la RCA fait face à de nombreux défis. Notamment, des tensions avec le Tchad et ses alliés à Paris, la CPC qui continue à défier les FACA, et l’organisation du retour des déplacés réfugiés à Bangui.

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