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Au Togo, Mey Gnassingbé entre football, associatif et ambitions politiques

Mey Gnassingbé

Dans le sérail du président togolais, Faure Gnassingbé, son jeune frère Mey a vu son influence grandir année après année. Entre ses voyages avec le président togolais, ses prises de position publiques et un parachutage en règle sur la scène politique, le jeune Gnassingbé est-il le dauphin tout désigné du président togolais ?

« Chers opposants (…), si vous n’arrivez pas à vous accorder, après Faure Gnassingbé, le Togo aura encore un Gnassingbé au pouvoir », prévenait le journaliste et opposant togolais Firmin Teko-Agbo à la fin de l’année dernière.

Depuis 2017, Meyebine-esso Kwamé Gnassingbé — surnommé « Mey » —, le jeune demi-frère du président du Togo, a fait une incursion remarquée sur la scène publique togolaise. Cela faisait déjà plusieurs années que le « jeune prince » était à la tête d’une association, Jeunesse en Mouvement (JEM). Une association qui avait mobilisé des fonds colossaux pour des œuvres philanthropiques et qui a permis de lancer un storytelling efficace concernant Mey Gnassingbé, frère et conseiller du président.

Et si Mey Gnassingbé est bel et bien présent aux côtés de son frère depuis la prise de pouvoir de ce dernier, à la suite du décès du patriarche Eyadema Gnassingbé en 2005, son initiation au pouvoir avance lentement mais sûrement. Le président togolais le sait bien : si son frère devait être un successeur crédible, il faudrait qu’il agisse… quitte à faire n’importe quoi ?

Arrivé de nulle part

Conseiller de la présidence du Togo depuis le premier mandat de Faure Gnassingbé, Mey Gnassingbé avait d’autres ambitions que la politique. Voué à devenir footballeur, Mey a été élevé par sa mère, Véronique Massan Ossey, juge réputée et ancienne ministre originaire du nord du pays.

Comme tous les frères de Faure Gnassingbé, Mey n’a réellement rejoint la famille que depuis le décès du père, Eyadema, et est devenu encore plus proche du cercle de Faure depuis le décès de sa mère Véronique en 2010.

Dès la prise de pouvoir de Faure Gnassingbé en 2005, Mey décide de lancer son association, JEM. On parlait alors d’un philanthrope, ayant fait ses études en France et qui avait abandonné une potentielle carrière de footballeur professionnel au Racing Club de France. Mey Gnassingbé avait alors 20 ans à peine, et était nommé au poste de chargé de mission auprès de la présidence du Togo.

Du football à la politique

Aujourd’hui âgé de 36 ans, Mey Gnassingbé est à la fois le proche conseiller du président togolais, qu’il accompagne souvent lors de ses voyages diplomatiques, mais il est également maire d’Amou. Il est aussi député d’Amou-Oblo pour le compte du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR), depuis 2018.

En 2015, Mey Gnassingbé est revenu à ses premières amours en rachetant l’Association sportive de la Kozah (ASKO), l’une des équipes majeures de Kara. Sous sa présidence, le club a d’ailleurs retrouvé son titre de champion en 2021.

Mey Gnassingbé est également réputé comme étant proche du monde du football. De quoi rappeler son oncle Rock Balakiyèm Gnassingbé, ancien président de la Fédération togolaise de football et frère d’Eyadema.

En mars 2021, il a été aperçu aux côtés de Samuel Eto’o dans le cadre d’une tournée des stades togolais, avant un tête-à-tête entre l’ex-Lion indomptable et le président.

Le 13 septembre dernier, Mey est élu maire d’Amou. En juillet, le parlement togolais lui rend hommage pour son « leadership au sein de l’ASKO de Kara ».

Mey, le plan B de Faure ?

Alors que la pression s’intensifie sur les chefs d’Etat des pays de la Cedeao, notamment à cause des renversements de présidents « à vie », qui aménagent les Constitutions à leur guise, Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 16 ans, doit aujourd’hui penser à l’avenir.

Selon la dernière modification de la constitution, le président togolais s’est octroyé le droit de se présenter, à nouveau, pour la présidence en 2025. Il en est actuellement à son quatrième mandat, dans un environnement politique marqué par une fracture au sein de l’opposition. Il est aussi très proche de l’armée, qui l’avait mis au pouvoir en 2005. Ce qui dissipe, dans une certaine mesure, les craintes d’un coup d’Etat potentiel au Togo.

Néanmoins, dans le cas où Faure Gnassingbé devait quitter le pouvoir un jour, il cherche à placer un ou plusieurs potentiels successeurs. Là où Mey Gnassingbé intervient, c’est qu’il a grandement participé au plébiscite de son demi-frère dans leur fief de Kara.

Là-bas, Faure Gnassingbé jouit d’une popularité réelle. Mey, lui, entretient une « politique de proximité » avec les populations, notamment grâce au football et à une multitude d’œuvres philanthropiques. Dans le même temps, Mey Gnassingbé reste loin des radars de la presse internationale, surtout lorsqu’il s’agit d’accusations de corruption ou de détournements de fonds.

Un dauphin fabriqué intelligemment, donc, que certains observateurs verraient bien être propulsé au pouvoir à l’horizon 2034. Une date encore très lointaine, mais avec les nombreux coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, on n’est jamais trop prudent.

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