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Au Sahel, cette paix avec les terroristes qui n’arrange pas vraiment les Français

L’accord de Niono, conclu entre le gouvernement malien et la Katiba Macina, affiliée à al-Qaïda, se termine demain. Le pacte, établi sous l’égide de la CSS algérienne, prouve encore une fois qu’une concession de court terme pourrait éviter les effusions de sang.

Le cessez-le-feu conclu le 14 mars entre les groupes armés terroristes affiliés à al-Qaïda, Katiba Macina, les confréries Dozos au sud-ouest du pays, le gouvernement de Bah N’Daw et deux des services de la Coordination des services de sécurité algériens (CSS), a beaucoup contribué à maintenir le statu quo entre les différentes parties armées au nord et au sud du Mali. L’accord est sur le point d’atteindre sa date de péremption, et un nouveau contexte englobe la guerre contre le terrorisme au Mali.

D’un côté, grâce à l’intervention algérienne, le calme a été maintenu dans les régions maliennes concernées. Une paix qui aurait pu se perpétuer, si ça ne tenait qu’au Mali. Face à ces nouvelles données, la France panique à l’idée que ses alliés maliens puissent négocier une paix durable avec les groupes terroristes contre lesquels elle est en guerre au Sahel, à savoir al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et le plus belliqueux Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).

Une source militaire algérienne du Journal de l’Afrique, proche du dossier, explique : « Nous ne négocions pas avec les terroristes, mais tout le monde est libre de prendre le choix qui convient le plus à sa conscience ».

Officiellement, les intérêts algériens, maliens et français s’alignent lorsqu’il s’agit de combattre l’EIGS. Cependant, dans le cas des sous-groupes d’AQMI, les degrés d’hostilité oscillent. Pour la France, cependant, tout le monde est un ennemi, parfois même les civils maliens, comme le prouvent les raids aériens qui ont visé l’Est malien, et la position immuable de la ministre des Armées française.

Toutes les parties africaines veulent une trêve

La chefferie locale malienne de la région de Ségou, voisine de la capitale Bamako, a été en tête de pont des négociations du 14 mars. Nama Traoré, le président des chasseurs de la région de Ségou, a déclaré à RFI : « Il y avait trop de pertes en vie humaines, il fallait aller vers la paix ». Pour les Maliens, la Katiba Macina est une affaire intercommunautaire, et la priorité est d’éviter plus de morts civils.

C’était une entente entre l’armée malienne et le Grand imam de Bamako et président du Haut Conseil islamique malien (HCIM), Mahmoud Dicko, qui a facilité la trêve complexe avec Katiba Macina. Le 12 avril l’ambassadeur malien en France, invité chez RFI, a confirmé l’approbation de Bamako à l’accord.

Du côté algérien, cet accord ne s’éloigne aucunement de la politique de Tebboune et des généraux de l’armée, qui combattent toujours l’AQMI à domicile. Cependant, dans un élan d’unité qui commence à s’installer entre l’Algérie et le Mali, Alger n’a pas contesté la décision de Bamako.

La délégation algérienne est même allée plus loin et a proposé le renouvellement de l’accord de 2015 avec les insurgés Touaregs à l’Est malien, à Kidal et à Gao. Les pourparlers semblent bien se passer. Si Mali a pu s’accorder momentanément avec Katiba Macina, rien ne l’empêche de résoudre la guerre civile pacifiquement.

Trop compliqué pour la France

Une solution pacifique, cependant, qui n’arrange pas la France. Le Canard Enchainé a demandé à un responsable du ministère des Affaires Etrangères français ce qu’il pensait de l’accord de Niono et a eu cette réponse : « Nous sommes engagés au Sahel à la demande des pays de la région, nous avons porté des coups importants au mouvement terroriste », a répondu le Quai d’Orsay.

Il semble que Paris soit plus préoccupé par sa propre présence militaire au Sahel, qui au vu les gouvernements malien, burkinabé et nigérien négocier avec les groupes terroristes sans consulter la France.

Cependant, le seul que Paris a rappelé à l’ordre était le président togolais Faure Gnassingbé. Lors de la rencontre de Macron et du président du Togo le 9 avril, les Français ont essayé de dissuader Gnassingbé de négocier avec les groupes terroristes burkinabé. En effet, le ministre des Affaires étrangères togolais, Robert Dussey, cherchait à accomplir un accord commun avec Amadou Koufa, en faisant médier le Vice-président malien Assimi Goïta.

Faure Gnassingbé, qui avait acheté assez d’armes pour commencer une guerre durant l’année passée, semble enclin à éviter une guerre interminable et à imiter les autres pays africains qui ont opté pour un accord de paix plus ou moins durable avec les groupes terroristes.

Ce paradigme est surement fatigant pour la France, dont la diplomatie n’arrive pas à travailler en parallèle avec l’armée au Sahel. Trop de civils ont été tués par les soldats français et les diplomates n’ont rien fait pour rassurer les pays africains. Et en absence d’une coopération inconditionnelle des pays du Sahel, la France n’arrive pas à arrêter la mouvance vers la paix qui sert l’intérêt de tout le monde, sauf la France.

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