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Après dix ans de silence, Saïf al-Islam Kadhafi organise son retour en politique

Saïf al-Islam Kadhafi

Saïf al-Islam Kadhafi

Dans sa première interview depuis dix ans, le fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam, analyse la situation politique en Libye. Une sortie qui ne doit rien au hasard, à cinq mois d’une possible élection présidentielle.

La réapparition du fils de Mouammar Kadhafi, Saïf al-Islam Kadhafi, était attendue et n’était qu’une question de temps. Le deuxième fils du « Guide de la révolution » avait indiqué à ses proches sont envie de sortir de l’ombre pour peser lors de la prochaine élection présidentielle, qui doit officiellement avoir lieu en décembre prochain.

Depuis sa capture en 2011, Saïf al-Islam Kadhafi a réussi à se recouvrer sa liberté et s’est réfugié dans un endroit tenu secret. Depuis la guerre de Tripoli, Saïf al-Islam Kadhafi jouit d’une cote de popularité importante. Sa première interview depuis dix ans était donc très attendue, aussi bien en Libye qu’à l’international.

Et le constat du fils de Mouammar Kadhafi est sans appel : « Il n’y a plus d’Etat en Libye. Et sans Etat, une société tribale comme la Libye est perdue », affirme Saïf al-Islam. Alors qu’en 2018, Saïf al-Islam Kadhafi était persona non grata en Libye, il est aujourd’hui le chef naturel d’une tribu, Qadhadhfa, qui compte au moins 800 000 personnes. Un poids politique non négligeable, qui en ferait un des favoris de la présidentielle s’il pouvait être candidat. Mais rien n’est moins sûr concernant ce dernier point.

En attendant de répondre à cette délicate question, Saïf al-Islam a distribué au New York Times les bons et les mauvais points. Selon lui, « les rebelles ont détruit l’Etat. Ce qui s’est passé en Libye n’était pas une révolution mais au plus une guerre civile ». Avant d’égratigner l’ingérence occidentale en Libye et de livrer quelques secrets : « Je me suis battu à Bab al-Azizia, je répondais alors aux appels des dirigeants étrangers. Beaucoup étaient avec nous et contre l’intervention occidentale, ensuite, on a commencé à me convaincre de quitter le pays ».

De prisonnier à chef tribal

La traversée du désert de Saïf al-Islam Kadhafi a commencé en 2011. Le fils de Mouammar Kadhafi en était alors à la sixième année de la mise en place de son projet de développement « La Libye de Demain ». La révolte populaire contre le régime Kadhafi, aggravée par les bombardements occidentaux, et l’assassinat de Mouammar ont rapidement Saïf al-Islam en mauvaise posture. Il quitta alors Tripoli pour Syrte, avant de rejoindre le grand Sud.

Saïf al-Islam a fini par être capturé par les brigades de Misrata, trahi par l’un de ses hommes, alors qu’il traversait le centre du pays, le fief de ses aïeux, vers le Fezzan. Il n’avait pu atteindre la région bordée par le désert libyen, algérien et nigérien. Saïf al-Islam estime d’ailleurs que le théâtre libyen est un véritable jeu d’alliances et de trahisons : « Ceux qui m’ont combattu hier, qui étaient mes geôliers ensuite, sont aujourd’hui mes amis », affirme-t-il.

A cette époque, c’est le Conseil suprême des tribus libyennes qui ordonne la libération de Kadhafi fils. Et les miliciens qui le détenaient entre 2011 et 2015 ont alors obtempéré. En 2016, Saïf al-Islam a bénéficié d’une amnistie de la Chambre des représentants. Toutefois, l’assaut de Haftar dans l’Est libyen, suivi en 2019 par la guerre de Tripoli, a remis en cause la légitimité du parlement de Toubrouk.

Aujourd’hui, Saïf al-Islam est devenu une pièce maîtresse de la politique libyenne. Mais son cas divise aux niveaux national et international : le mandat d’arrêt international à son encontre est toujours en vigueur. Après sa condamnation à mort en Libye, la CPI comptait le remettre à Tripoli. Or, le Premier ministre, qui rejetait l’amnistie à son encontre, Fayez el-Sarraj, a été remplacé depuis février.

Quel avenir politique pour Saïf al-Islam ?

Alors que des élections se profilent en Libye, les autorités se prononceront-elles sur le sort de Saïf al-Islam Kadhafi avant les dépôts de candidature ? D’ores et déjà, on sait qu’une éventuelle candidature semble compromise. Lors de son interview, Saïf al-Islam Kadhafi a été vague sur son avenir, mais il indique clairement vouloir peser en décembre prochain lors des scrutins : « Je suis un homme libre, et j’organise un retour politique », affirme-t-il. Reste à savoir sous quelle forme.

Et qu’il soit candidat ou qu’il soutienne l’un d’entre eux, il a déjà un programme politique. Saïf al-Islam ne s’en cache pas : la réorganisation de la force politique de son père, le « mouvement vert » comme l’appelait Mouammar Kadhafi, fait partie de ses plans. Ensuite, Saïf al-Islam Kadhafi compte mettre fin à la corruption qui gangrène actuellement la Libye : « Ils ont violé le pays, il est à genoux. Il n’y a pas d’argent, pas de sécurité. Allez à la station-service, il n’y aura pas de diesel. C’est plus qu’un échec, c’est un fiasco », déplore-t-il.

Malgré sa volonté de revenir sur la scène politique, Saïf al-Islam préfère rester très prudent. Il ne mentionne aucun nom dans son interview. Qu’il soit candidat ou non, la position de Saïf al-Islam sera scrutée. Car avec un tel poids politique, nul doute que s’il ne se présente pas à la présidence, Saïf al-Islam jouera un rôle clé.

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