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Algérie : Une indépendance inestimable

L’Algérie fête aujourd’hui son indépendance. Le 5 juillet 1962, après 132 ans de colonisation française, le million et demi de martyrs algériens, et leurs frères de lutte, ont libéré le pays.

La révolution algérienne est la guerre d’indépendance à la fois plus tragique et la plus héroïque de l’histoire coloniale africaine. Pour les Algériens, la date du 5 juillet est un moment important : il est le moment où le pays a réussi à se défaire du joug français. Une colonisation française qui, malgré tout, restera indélébile. Durant les 132 ans de contrôle français, l’Algérie a été le théâtre de tant de crimes contre l’humanité, puis de crimes de guerre atroces, que la pensée de tout le peuple algérien reste marquée par les événements, soixante ans plus tard.

Si les Algériens ont beaucoup donné, en termes de vies humaines notamment, pour se libérer de la mainmise de la France coloniale, ils n’ont jamais estimé être arrivés au bout du processus : en effet, l’Algérie réclame encore et toujours des excuses de la part de l’Etat français pour la barbarie dont ses colons, ses soldats et ses agents ont fait preuve. Et, malgré quelques semblants de remords et de gestes d’apaisement français, l’absence d’excuses officielles de la part du pouvoir français, pendant 59 ans, reste un traumatisme dans les mémoires algériennes.

L’Algérie est aussi une terre de héros connus et reconnus. De l’émir Abdelkader à Lalla Fatma, en passant par Larbi ben M’hidi, Abande Ramdane et les fils de la Toussaint, nombreux sont les combattants à avoir donné leur vie pour libérer l’Algérie. La totalité des Algériens qui se sont levés contre la colonisation étaient unis par la même conviction souveraine, malgré leurs différences idéologiques. Cette même volonté inébranlable d’indépendance existe encore aujourd’hui.

La volonté d’un peuple

De 1830 à 1962, chaque initiative indépendantiste algérienne s’est illustrée sur le champ de bataille contre les colons. Rappelons aussi que la colonisation française de l’Algérie a été plus violente qu’ailleurs. Entre les camps de concentration, les exécutions massives, l’utilisation d’armes prohibées et la ségrégation raciale, la souffrance des Algériens a suscité une réaction à la fois politique et intellectuelle.

Toutefois, la lutte anticoloniale algérienne a connu un tournant dans les années 1950. Les mesures répressives de la France à l’encontre de Constantine et de la Kabylie, sur fond d’attaques du FLN, ont été à l’origine du soulèvement de tout un pays. Et même les divisions entre les chefs de la « guerre d’Algérie » n’ont jamais infléchi la motivation des combattants.

Entre 1952 et 1957, l’immixtion de Charles de Gaulle et de Pierre Mendès France dans le dossier algérien provoque une dissension au sein du FLN. Les deux hommes d’Etat français, respectivement partisans de deux régimes coloniaux ambigus, plus politiques ou plus militaires, ne pouvaient toutefois rien changer à la volonté d’indépendance des Algériens. L’armée française s’est alors engagée dans une guerre totale contre le FLN et les fellagas. Et les peines d’emprisonnement se sont alors transformées en assassinats politiques, en torture et en autres crimes.

La stratégie française en Algérie, l’origine du chaos

La guerre d’indépendance en Algérie a aussi généré beaucoup de rancœur. Que les dirigeants n’ont pas pu juguler. Pour les Français, les accords d’Evian en 1962 étaient supposés assurer un retrait pacifique des colons. Mais les dernières actions de Charles de Gaulle, qui avait renoncé à son projet d’Algérie française, ont pris trop de temps à se concrétiser. Et au lieu de laisser l’Algérie aux Algériens, lorsque l’occasion se présenta en 1960, la France a tenté de « diviser pour conquérir », pensant pouvoir arrêter l’élan de l’indépendance.

Cette démarche a divisé les Algériens, et la rancœur due au massacre constantinois et au détournement de l’avion du FLN s’est cristallisée durant la bataille d’Alger. Pendant des mois, le FLN et les escadrons de la mort français (la Main rouge) se sont livrés une guerre urbaine qui a causé de trop nombreux morts.

D’un côté, aucun doute ne subsistait sur l’essor de la colonisation française depuis 1956. Surtout depuis l’indépendance du Maroc et de la Tunisie. D’un autre côté, opposer les Algériens aux Algériens était la stratégie de sortie de la France. Par conséquent, une grande majorité d’analystes considèrent que les évènements de 1962, surtout le massacre des Harkis et la confrontation des chefs de la révolution, incombe plus à l’activité subversive des renseignements français (la bleuite) qu’à un simple règlement de comptes.

Une indépendance coûteuse

Le terrorisme de l’Organisation armée secrète (OAS) dans les années 1961 et 1962 a visé tous les Algériens favorables à l’indépendance. L’OAS a assassiné des centaines d’intellectuels algériens et commis des vagues d’attentats à large échelle contre les musulmans. Un grand nombre de pieds-noirs avaient soutenu l’OAS. Et l’amalgame entre ces derniers, les Harkis et les colons a anéanti tout espoir d’une issue pacifique de la guerre d’indépendance.

Ce contexte a été envenimé par les contraintes des accords d’Evian, qui voulaient imposer la continuité de la présence française. Et après la déclaration d’indépendance, la guerre n’a jamais été aussi violente. Des milliers d’Algériens sont morts sous les bombardements français, et des milliers de Harkis ont été exécutés par les éléments du FLN. Au total, la colonisation française a causé un million et demi de morts, entre les civils, les maquisards du FLN et les fellagas. Le nombre de Français morts oscille entre 100 000 et 370 000, selon les études. Le débat sur le nombre de victimes est encore un sujet brûlant.

Toutefois, et malgré l’incertitude sur les chiffres, le bilan a été sanglant. Cela a poussé les élites algériennes à poursuivre la spirale de violences dès la fin de la colonisation. Et c’est aussi la raison pour laquelle les rapports entre l’Algérie et la France sont restés insolubles. Depuis, la guerre armée a laissé place à une guerre mémorielle, alimentant une hostilité certaine entre les deux pays. Si, du côté algérien, la guerre de l’indépendance est un facteur fédérateur, du côté français, une « politique de l’oubli », selon les mots de Guy Pervillé, a été mise en place. Les ramifications géopolitiques des crimes français en Algérie continuent encore aujourd’hui. Et en l’absence d’une réelle volonté de réconciliation, elles régiront très probablement les futurs rapports entre la France et l’Algérie, sur plusieurs générations.

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