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À Madagascar, quel rôle politique pour les Églises protestante et catholique ?

Bien que la laïcité soit inscrite dans la Constitution malgache, les responsables religieux de l’île jouent un véritable rôle politique. Et c’est encore plus vrai à quelques mois d’une présidentielle.

Depuis l’Indépendance en 1960, Madagascar est un État laïque. Et si politique et religion ont souvent été dépendantes l’une de l’autre, tout s’est accéléré lorsque Marc Ravalomanana est arrivé au pouvoir en 2002. S’appuyant principalement sur la Bible, sa grande source d’inspiration, Ravalomanana a réussi à faire revenir les religieux dans la contestation. Dans la rue, nombreux étaient les soutiens à Ravalomanana à revendiquer la victoire de leur poulain. Parmi eux, les « maonpera » — comprenez « mon père », en malgache —, très populaires. Pour les remercier de leur soutien, Ravalomanana décida de supprimer la notion de laïcité dans la Constitution. En 2010, alors qu’Andry Rajoelina assurait la transition, il promit de remettra dans la Constitution, comme premier article, le fait que « le peuple malagasy constitue une Nation organisée en État souverain, unitaire, républicain et laïque ».

Comment Ravalomanana s’est appuyé sur les Églises protestantes

Treize ans plus tard, malgré la laïcité imposée dans la Constitution, la religion a gardé une place prépondérante dans le champ politique. Comme l’indique Africa Intelligence, à l’approche de la présidentielle de novembre prochain sur la grande île, « protestants et catholiques ont d’ores et déjà commencé à réinvestir le champ politique ». Des protestants qui sont, en grande majorité, opposés au président sortant, Andry Rajoelina, dont ils critiquent le bilan lors de leurs sermons. Les catholiques, eux, sont plutôt pro-Rajoelina, même si certaines voix dissidentes, comme celle de l’ancien archevêque d’Antananarivo, sont plus nuancées. Quoi qu’il arrive, il faudra compter sur les Églises protestante et catholique en novembre prochain.

Ce qui peut étonner. Et qui interloquait même déjà au début des années 2002. Didier Ratsiraka, président sortant lors de l’élection de 2001, ne comprenait pas l’ingérence religieuse lors de la campagne. Il avait alors affirmé « ne rien comprendre » à ce mélange des genres et pestait : « Que des prêtres, des pasteurs puissent en chaire appeler à voter pour mon adversaire me dépasse », résumait-il. L’ex-président ne comprenait pas non plus les propos de la Conférence épiscopale de Madagascar, qui assurait que «l’Église catholique ne soutient aucun candidat », alors que les prêtres étaient, de leur côté, de vrais relais politiques.

Le rôle majeur des institutions religieuses

Et Marc Ravalomanana l’a toujours bien compris. Lui qui veut aujourd’hui bloquer la route à Rajoelina s’est toujours appuyé sur l’Église de Jésus-Christ à Madagascar (FJKM), la plus grande Église chrétienne de Madagascar — protestante. Il veut reconquérir le pouvoir grâce à la FJKM, alors que plusieurs pasteurs ont, ces dernières années, milité en faveur d’un éloignement de la FJKM de la politique. Mais le loup était, à l’époque, déjà dans la bergerie : au moment de la présidentielle de 2001, Ravalomanana était en effet le vice-président laïque du bureau central de l’Église de Jésus-Christ de Madagascar. Un poste qu’il a conservé pendant de nombreuses années.

Marc Ravalomanana sait donc mieux que quiconque quelle peut être la force des religieux à Madagascar. Mais Rajoelina aussi. On se souvient par exemple que le Mouvement des ecclésiastiques (HFM) avait appelé à la démission de Rajoelina, alors que celui-ci assurait la Transition. Le Conseil œcuménique des Églises de Madagascar (FFKM), lui, est intervenu en 1991 et 2009 pour régler des crises politiques. « Les institutions religieuses jouent un rôle majeur dans la vie politique à Madagascar. Ce rôle dépasse la simple organisation de cultes lors d’un événement politique ou à caractère patriotique », écrit Lalao Soa Adonis Tsiarify, dans son article consacré à « L’imbrication du politique et du spirituel à Madagascar » en 2013. Nul doute que, en novembre prochain, les responsables religieux auront une nouvelle fois un rôle important à jouer.

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